J'AI DE LA PERSONNALITÉ › Mes parents ont toujours mis un point d'honneur à me donner une bonne éducation. Pas seulement en matière de magie, cela incluait des séances de maintien, de diction et d'étiquette. Si bien que je suis devenue une vraie lady. Pas un mot au dessus de l'autre, respectueuse, attentive... Une jeune fille de bonne famille, en somme. Mais j'ai malgré tout toujours été curieuse du monde extérieur. Sortir ne m'était pas interdit, loin de là, mais disons... Déconseillé. Du moins pas dans des endroits bondés ou mal famés. La richesse omniprésente de mon quotidien fausse encore quelque peu ma perception du monde.
Je n'en étais pas solitaire pour autant. Au contraire! Bien qu'enfant unique, la solitude n'est jamais quelque chose dont j'ai souffert. Chaque jour apporte son lot de nouveauté et d'opportunités, pas le temps de se sentir seule! Ma joie de vivre est rarement mise à l'épreuve de ce côté là!
Bien entendu, mes parents n'ont jamais eu l'habitude de me priver de quoique ce soit. Pas vraiment enfant gâtée, je développai néanmoins une certaine impatience. Attendre, toujours attendre... C'est pas mon truc! Alors imaginez quand on m'a promis un mariage! Un mariage fabuleux, comme ceux des livres! Un mariage arrangé, cela va sans dire. Mais c'était la norme, non? Chaque couple de ma connaissance était marié suite à un arrangement et, d'après ce que je pouvais en dire, mes parents eux-mêmes n'avaient pas l'air de s'en plaindre! On m'a toujours raconté, depuis ma petite enfance, un époux aimant et des enfants adorables... Si on me l'a dit et répété, c'est que c'est vrai, non?

"Mademoiselle Olivia? Vous êtes prête?"

Emmitouflée dans mes couvertures, l'esprit encore vif malgré l'heure tardive, je lançai d'une voix haute et claire :

"Oui Mrs. Goggles!"

Tous les soirs, le rituel était le même : si je m'étais bien conduite, si j'avais bien écouté les leçons de mon précepteur et que je n'avais embêté personne, j'avais le droit à une histoire du soir. Autant dire que j'avais eu droit à beaucoup d'histoires. Ma nourrice était bien plus douée pour raconter les histoires que nos elfes de maisons. Avec eux, j'avais souvent droit aux exploits de lavage de vaisselle, une notion qui, d'ailleurs, restait assez floue pour moi. Mrs. Goggles entra dans ma chambre, vérifiant du regard si j'avais bien fait ma toilette avant d'aller au lit. Estimant visiblement que tout était en ordre, elle s'assit sur le rebord de mon lit. Il était si grand, et moi si petite, que j'aurais pu y dormir avec six frères et soeurs supplémentaires. N'ayant cependant pas le luxe d'une telle compagnie, ces lourdes couvertures m'étaient réservées. Ma nourrice replaça une mèche égarée derrière mon oreille.

"Alors..."

Je la vis réfléchir quelques instants, cherchant une nouvelle histoire. Pendue à ses lèvres, je me préparais à boire chacune de ses paroles.

"Il était une fois une jeune et jolie sorcière aimée de tous. Les gens alentours, moldus comme sorciers, ne cessaient d'admirer sa beauté. Mais alors que beaucoup de sorciers demandaient sa main en mariage, la belle n'en aimait qu'un. Etant tous les deux de bonne famille, leurs parents s'entendirent pour leur union. Mais la jeune sorcière n'était pas seule à n'avoir d'yeux que pour le jeune homme. Une moldue, toute aussi éperdument amoureuse de lui, ne supporta pas l'annonce du mariage. Cherchant à tout prix à empêcher le mariage, elle se résolue à tuer sa rivale. Seulement, lorsqu'elle s'introduisit dans la maison de la sorcière, un couteau à la main, elle n'avait pas prévu de tomber nez à nez avec le monde de la magie. Se rendant compte de l'existence de tels pouvoirs, son plan changea. La moldue ne voulait plus seulement le jeune homme, mais aussi les pouvoirs de sa rivale. Elle se fit alors passer pour une servante, dans la maison de la jeune et jolie sorcière. Une nuit, elle attendit que la sorcière s'endorme et subtilisa sa baguette. Mais ce n'était pas suffisant! Sans son instrument, la sorcière restait une sorcière! Malgré ses efforts, les noces eurent lieu et les époux n'auraient pu être plus heureux. Folle de rage et après des mois d'entrainement, la moldue attendit une seconde nuit pour trouver la sorcière endormie, dans les bras de son mari. Cette simple vision lui donna assez de rage pour lancer un sort à la véritable propriétaire de la baguette. Et ainsi, la sorcière perdit tous ses pouvoirs. La moldue, devenue alors puissante, rependit l'existence de la magie dans le monde entier, poussant ses semblables à voler les pouvoirs des honnêtes sorciers."

Je restai une bonne minute sans voix.

"Mais... Ça se finit mal..."

Mrs Goggles eut un doux sourire et posa sa main sur ma joue.

"C'est parce que toutes les histoires ne se finissent pas bien. C'est une leçon. Les sangs-de-bourbe descendent de ces moldus voleurs de pouvoirs mais certains n'en on jamais assez. Plus de pouvoir, toujours plus de pouvoir. Alors faites attention, Mademoiselle, ou sinon ce sera vos pouvoirs à vous qu'ils voleront."


Le jour était enfin arrivé! Ma lettre pour Poudlard avait enfin fait son apparition dans le courrier matinal! J'avais lu son contenu des centaines de fois, usant le parchemin à chacune de mes lectures. Pour l'occasion, Mère avait organisé une tea party dans les jardins. Mère a toujours beaucoup aimé recevoir, de toute façon. Vêtue de ma plus belle robe, un joli ruban dans mes cheveux, j'écoutais les dames parler autour de la table, sans toujours saisir le sens de la conversation. De toute façon, mon attention était davantage tournée vers les petits gâteaux savamment éparpillés sur la table. J'évitais cependant d'y toucher, mon précepteur m'ayant souvent fait remarquer que la gourmandise n'était pas digne d'une lady.

"Quel dommage... Une famille si honorable..."

"Oui, j'ai entendu la nouvelle... Pauvre Helen..."

Je relevai la tête, soudain intéressée par la conversation.

"Quoi? Qu'est-ce qui s'est passé pour Mrs. Bates?"

Ma mère me lança un regard désapprobateur.

"On ne dit pas "quoi", on dit "comment", Olivia!"

L'une des invités, une vieille femme qui me donnait toujours des chocogrenouilles en cachette posa sa main sur celle de ma mère.

"Ce n'est rien Prudence, la petite est juste curieuse." Elle se tourna vers moi. "Il semblerait que la petite Bates soit une cracmolle, une... fausse sorcière en quelque sorte."

Je savais pertinemment ce que cracmolle voulait dire mais cela ne m'empêcha pas de tomber de haut. Monsieur et Madame Bates étaient comme nous... comme moi... Est-ce que ça voulait dire que moi aussi, j'allais perdre mes pouvoirs si je ne faisais pas assez attention? Un long frisson remonta le long de ma colonne vertébrale. Toutes les histoires sur les sang-de-bourbes me revenaient en mémoire, toutes les choses horribles qu'on m'avait raconté... Si quelque chose d'aussi grave pouvait arriver à une enfant de bonne famille, qu'est-ce qui pourrait m'arriver?

"C'est un sang-de-bourbe qui a pris ses pouvoirs?" demandai-je, penaude.

J'entendis la ronde des dames rire doucement autour de la table sans vraiment comprendre pourquoi. La vieille dame, un gentil sourire aux lèvres vint tapoter ma joue.

"Exactement très chère, un sang-de-bourbe. Mais ne tarnissons pas cette belle journée avec des histoires si sombres! C'est une célébration, non? Tu es une grande fille à présent! Qui a gardé tous ses pouvoirs, qui plus est!"

"Les enfants grandissent tellement vite, n'est-ce pas? Si je ne fais pas attention, je vais cligner des yeux et la retrouver mariée la seconde suivante!" Plaisanta ma mère.

"En parlant de cela, vous ai-je déjà parlé de mon petit-fils..."


Je déposai mes valises dans le grand hall du Manoir Farraday pour la dernière fois de ma scolarité. Laisser Poudlard définitivement derrière moi m'avait fait un pincement au coeur. Ces sept années d'études semblaient n'avoir duré que deux semaines, en y repensant. Tout allait me manquer : les repas, le parc, la Salle Commune des Poufsoufflles... Ah les Poufsouffles. Je me souviens de la réaction de mon père, quand il avait appris mon affectation à cette maison. Si je me souvenais bien, les mots "scandale" et "erreur grossière" n'avaient cessés de revenir dans mes courriers. Mais ma mère était plus conciliante, étant elle aussi passée chez les Serdaigles plutôt que le traditionnel Serpentard. Et avec le temps, il avait finit par s'y faire. A peine rentrée, la mère me tendit les bras.

"Oh Olivia! J'ai une merveilleuse surprise, viens par ici!"

Me prenant par la main, elle me conduisit dans le grand salon où j'y retrouvais mon père et mon oncle dans une grande discussion. Alors que nous arrivâmes dans les pièces, leurs têtes se levèrent vers moi. J'allai les embrasser tous les deux.

"Comme tu as grandi!" fit remarquer mon oncle

Cela n'avait rien d'étonnant, aux vues du rare nombre de fois où je l'avais vu. Mais j'imaginais qu'être Ministre de la Magie ne laissait pas beaucoup de temps pour les visites familiales.

"Quel plaisir de vous voir! Le Ministère n'est pas trop vide en votre absence?"

Il reposa son verre d'alcool sur le rebord de la cheminée où un feu ronflait gentiment.

"C'est justement ce qui m'amène ici. Vois-tu, la place Secrétaire ministérielle vient de se libérer. Nous avons découvert que la sorcière qui occupait ce poste était une usurpatrice. Ces sang-de-bourbes réussissent à s'infiltrer partout de nos jours!"

Du coin de l'oeil, j’aperçus mon père hocher la tête dans un signe d'approbation.

"Enfin, maintenant que tes études sont terminées, je ne vois pas ce qui t'empêcherais de prendre le relai! Qu'en dis-tu, une place de Secrétaire du Ministre de la Magie, c'est tentant, non?"

Je devinai que le choix ne m'appartenait pas vraiment mais cela n'avait pas d'importance.

"Oh! J'en serai ravie, biensur!"

"Parfait! Trinquons à la nouvelle jeune recrue du Ministère en ce cas!"