Ezéchiel était de très bonne humeur. Et quiconque connaissait le jeune homme savait que sa bonne humeur se montrait toujours -ou en tous cas la plupart du temps- au détriment du malheur d'autres personnes. Il était comme ça : il adorait pourrir les journées -voire même la vie- des gens qu'il croisait. Bien sûr, ça ne s'appliquait pas à ses quelques amis ou à sa famille -quoique... Après réflexion non, rien ne le réjouissait davantage que de faire crier son père- mais lorsqu'il s'agissait d'inconnus... Il devait avouer qu'il s'en donnait parfois à cœur joie. Raison pour laquelle il avait accepté de travailler dans la commission d'enregistrement des né-moldus. Ainsi, quand un sorcier ne plaisait pas ou avait fait quelque chose qui lui déplaisait, il prenait plaisir à menacer l'importun d'aller fouiller son arbre généalogique -ce qui, pour lui, revenait à modifier l'arbre en question pour le sorcier soit mystérieusement affublé de parents moldu- afin de pouvoir lui mener la vie dure.

Et quand de véritable né-moldu étaient traînés à son bureau, ça n'en était que plus délectable ! Car alors ils n'avaient aucun moyen de protester sur leur sort et ils ne pouvaient même pas nier leurs viles origines ! Oui décidément, ce travail était fait pour lui.

Et cette après-midi ne dérogeait pas à la règle. Il avait daigné faire un tour au ministère -après tout, c'était lui qui gérait cette commission, il fallait qu'il aille y faire un tour de temps à autre- et il avait commencé à éplucher les dossiers. Et là, qu'avait-il vu entre deux fiches ? Le nom d'une fille qui avait repoussé ses avances un peu plus tôt dans la semaine ! Alors forcément, il n'avait pas résisté au plaisir de lui attirer des ennuis... Et puis c'était de sa faute aussi ! Si elle avait sagement accepté de coucher avec lui plutôt que de l'insulter... Au moins maintenant elle saurait qu'on ne traitait pas impunément un Sang-Pur de tous les noms d'oiseaux. Ça lui apprendrait à cette idiote !

En y repensant, il ne pouvait empêcher un sourire satisfait de venir flotter sur ses lèvres. Il aurait presque pu aller la voir chez elle pour la narguer et lui dire qu'il n'était pas trop tard pour bien faire -un des autres avantages de travailler au ministère était que l'on pouvait se renseigner sur n'importe qui- s'il n'avait pas eu mieux à faire. Mais bon, il avait envie de voir Beny. A chaque fois qu'il sortait de chez lui pour aller au centre ville, il passait systématiquement devant sa boutique. C'était une habitude qu'il avait pris, de venir l'observer de loin. Il ne rentrait jamais bien sûr. Ça aurait pu paraître suspect. Mais il s'appuyait sur le mur de la rue d'en face et regardait à travers la vitrine. Parfois il ne restait que quelques secondes, juste le temps de l'apercevoir. D'autres fois il restait là une heure voire deux, perdu dans sa contemplation pensive.

Ce jour là il se contenta d'une petite minute. Il avait décidé, puisqu'il était de bonne humeur, de partager son entrain avec sa Planche à Pain. Il adorait débarquer chez elle à l'improviste et taper dans la réserve d'alcool qu'elle avait constitué tout spécialement pour lui. Ah, qu'il était bon de côtoyer des gens prévoyant ! Bien sûr, il ne l'aurait jamais avoué devant elle, mais lui aussi avait des caisses de chocolat -et pas n'importe lequel ! Le meilleur de Londres!- qu'il entreposait et qu'il ne sortait que quand elle venait. Mais là n'était pas la question. Il allait lui rendre une petite visite et lui raconter sa journée, après tout cela faisait un moment qu'il ne l'avait pas vue -presque une semaine, c'était pour dire !

Et puis, il était curieux de savoir où elle en était avec son archiviste coincé du cul. Il ne savait vraiment pas ce qu'elle lui trouvait, mais apparemment elle était sérieusement amoureuse... Et il prenait un malin plaisir à la charrier sur ce sujet. Il fallait dire qu'elle aussi ne s'était pas privé de lui faire des petites remarques gentiment moqueuses quand elle avait compris qu'il aimait un poufsouffle ! A l'époque il venait de passer ses BUSES... Ça ne le rajeunissait pas tout ça. Il n'arrivait pas à croire qu'il connaissait la jeune fille depuis si longtemps. Qui l'aurait cru ? Au départ il ne pouvait pas la supporter et le lui faisait bien savoir. Comme quoi, être enfermé dans une salle de classe pendant un duel magique, ça peut avoir des bons côtés... Grâce à ça, il avait gagné une très bonne amie -la meilleure même, mais ça il se gardait bien de lui dire, histoire qu'elle ne prenne pas la grosse tête.

Il grimpa les escaliers qui menaient à son appartement et frappa à la porte de son apparemment sans s'arrêter. Juste parce qu'il ne serait pas Ézéchiel Uriel Crowford s'il n'embêtait pas son monde.
Malheureusement toute sa bonne humeur s'envola dès qu'il entendit les menaces lourdes de sens de la Planche à Pain. Ouh là. Elle avait pas l'air contente la petite. Qu'est ce qui avait bien pu la mettre dans cet état ? Sa patronne ? Son petit brun gringalet ? En tous cas elle avait l'air sérieuse...
Ce ne fut que lorsque la porte s'ouvrit sur un effrayant croisement d'épouvantail et de zombie qu'il mit quelque temps à identifier comme sa petite Améthyste qu'il comprit l'étendue des dégâts. En instant, son regard analysa le tas de gâteau dégoulinant de glace -arme ultime contre la dépression qu'elle ne sortait qu'en cas d'extrême urgence- les cernes -elle... Elle n'avait pas dormi depuis un moment, et ce n'était certainement pas parce qu'elle batifolait...- les yeux gonflés -comment pouvaient-ils encore tenir dans leurs orbites ?! Ça relevait du miracle... Il songea même un instant à jeter un sort de glu perpétuelle sur eux pour s'assurer qu'ils resteraient bien là avant de se rappeler qu'il valait mieux éviter ce sort sur les humains- et les cheveux en bataille. La dernière fois qu'il avait vu la journaliste pleurer, c'était quelques années auparavant, et il avait alors espéré que ce serait la dernière fois qu'il la verrait dans cet état. Sauf qu'en cet instant, il aurait largement préféré qu'elle soit dans « l'état » de la fois précédente. Au moins elle avait l'air de pouvoir être réconfortée... Là... Il se demanda comment il allait pouvoir accomplir ce tour de force.

Elle faisait vraiment peine à voir, et lui qui était d'ordinaire si insensible sentit son cœur se serrer. Personne ne touchait sa Planche à Pain ! C'était comme sa petite sœur. Belle, intelligente, attirante... Mais intouchable. Les autres n'avaient qu'à se contenter d'admirer de loin, voilà. Il n'acceptait pas qu'on lui fasse du mal ! Ça le mettait vraiment, mais vraiment en rogne. Même si pour le moment il était plutôt atrocement déchiré de la voir comme ça. Sans plus réfléchir, il la prit dans ses bras et la serra contre lui. Il n'avait même pas besoin de demander pour savoir ce qui n'allait pas. Après tout, lui aussi avait des problèmes en amour... Pas nécessaire d'être un génie pour deviner que la cause de ses larmes était un certain fils Clayne...

Il commença à lui frotter le dos pour la réconforter un peu et avança vers l'intérieur, la brunette toujours contre lui, histoire de pouvoir quand même fermer la porte.

-Raconte, intima-t-il au bout d'un moment.

Si elle lui disait de quoi il retournait, il pourrait peut-être l'aider... Et lui faire perdre cet affreux visage qui ne lui allait décidément pas du tout. Ezéchiel la préférait largement avec son sourire et ses piques sournoises...

Alors qu'Améthyste pleurait doucement contre son épaule, Ezéchiel tentait de trouver des mots pour la réconforter. Mais sans savoir ce qu'il c'était passé, il ne pouvait pas dire grand chose... Aussi se contenta-t-il de rester silencieux. Merlin qu'il ne supportait pas de la voir comme ça. Ça lui faisait mal au cœur. Et il ne pouvait rien faire pour le moment... Il espérait réellement que l'archiviste ne l'avait pas rejeté clairement, et qu'il ne s’agissait que d'un geste qu'il avait fait et qu'elle aurait pu mal interpréter... Après tout quand on était amoureux, on ne voyait pas les choses avec beaucoup de recul, il était bien placé pour le savoir. Il valait mieux avoir un regard neutre dans ces cas là... Mais si elle ne lui disait rien il ne pourrait pas lui apporter son objectivité.

Finalement, au bout d'un moment, la jeune fille pris la parole. Et Ezéchiel eu presque envie de pleurer avec elle. Elle devait vraiment, vraiment être désespérée pour lui demander ça... Surtout qu'elle connaissait déjà la réponse.

Il ressentit une infinie tristesse en pensant à ce qu'elle avait dit. Bien sûr qu'il ne sortirait pas avec elle... Il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas oublier Beny comme ça, il avait déjà essayé et ça n'avait pas marché. Parce que lui aussi c'était déjà fait la réflexion qu'il aurait pu être heureux avec Améthyste. Il y avait même cru l'espace d'un instant, quand il l'avait pénétré, la seule fois où ils avaient fait l'amour ensemble. Mais ça n'avait duré qu'une seconde.... Le fait était qu'il aimait son pâtissier, qu'il l'aimait pleinement et réellement et qu'il n'avait jamais réussi à passer outre cet amour. S'il n'était pas tombé amoureux... S'il n'était pas tombé amoureux, il était persuadé qu'il aurait fini par voir dans sa Planche à Pain bien plus qu'une meilleure amie, mais le sort, le destin, Merlin ou les dieux, qu'importe qui, en avaient décidés autrement. Alors oui en effet, Beny ne voulait pas de lui, et Morgan ne voulait peut-être pas d'Améthyste, mais il ne pouvait pas lui dire oui... Il espérait seulement que son refus n'allait pas lui faire faire des conneries... Mais après tout elle lui avait promis de ne plus jamais recommencer. Il ne se le pardonnerait pas sinon...

-Améthyste écoute... Fit-il d'une voix triste en choisissant soigneusement ses mots. Tu sais bien que je ne peux pas accepter. Même toi tu le regretterais... Tu serais pas heureuse avec moi, parce que je pourrais jamais oublier Beny, et tu métrites quelqu'un qui pense à toi en toutes circonstances... Et puis qui te dit qu'il veut pas de toi ton beau brun ? Tu es sûre qu'il t'a repoussé ? Raconte-moi...

Il adressa une courte prière -lui prier, il fallait vraiment que ce soit Améthyste pour qu'il le fasse...- à Merlin pour que le Clayne n'ait été que maladroit. Déjà que l'avoir fait pleurer méritait au moins un sortilège de son invention -un vicieux, dont les effets n'apparaissent que quelques jours plus tard- si jamais il l'avait rejeté, il pourrait dire adieu à sa vie. Ezéchiel se ferait un devoir de lui attirer tous les problèmes possibles et imaginables -et Salazar savait que c'était quelque chose qu'il faisait bien.

Le monde entier voyait en Ezéchiel un homme insensible et froid, dont le cœur ne pouvait être touché ni par l'amour, ni par la peine, ni par la douleur, et il n'avait jamais rien fait pour qu'on pense à lui autrement que comme ça. Il préférait qu'on lui attribue ses adjectifs, parce que comme ça personne ne discutait ses ordres et personne ne venait l'embêter. Alors à cet instant, personne n'aurait cru qu'il s'agissait de la même personne. Oui, le jeune homme était égoïste et se fichait bien des autres. Oui, il pouvait détruire des familles sans même une hésitation ou un regret. Et oui, pour lui les gens n'étaient qu'un fardeau qu'il devait supporter tous les jours. Mais pour lui ? Améthyste était loin d'être « un gens » ou « les autres ». Améthyste signifiait beaucoup pour lui. Énormément même. Il avait beau ne pas le lui dire souvent, sans elle sa vie n'aurait pas la même saveur.
Elle était celle à qui il se confiait, qu'il embêtait affectueusement, avec qui il partageait ses pensées loufoques et elle le suivait toujours dans ses théories idiotes, celle avec qui il était sérieux, et surtout... Juste lui-même. Elle était la seule à qui il ne pouvait rien cacher. Elle lisait en lui comme dans un livre ouvert, et parfois elle en savait plus sur son propre compte que lui-même. Il ne pouvait pas dire qu'il la considérait comme sa sœur, parce que ce n'était pas le cas. Ce n'était pas non plus comme une meilleure amie ou une amante, tous ces titres étaient bien trop restrictifs, même s'il avait tendance à la désigner sous le terme de meilleure amie pour aller plus vite. Non, Améthyste c'était sa Planche à Pain, ni plus ni moins. Sa petite Planche à Pain qu'il avait réellement découvert en quatrième année...

Alors oui, s'il n'y avait pas eu Beny, bien sûr qu'il l'aurait aimé, qu'il aurait aimé comme personne et qu'il l'aurait chéri plus que tout... Et il aurait souhaité ne jamais tomber amoureux du pâtissier. Ça ne lui avait apporté que de la souffrance... Et maintenant, ça rendait même la journaliste malheureuse. Il maudissait les forces qui avaient mi le brun sur sa route. Si ces forces mystiques avaient cherché à se venger de son comportement avec le reste de la population, alors elles devaient être bien contentes, parce qu'elles avaient très bien réussi. Mais bien sûr il n'y avait aucune entité derrière tout cela. C'était juste lui, Ezéchiel, qui avait succombé à la mauvaise personne et qui avait été trop faible pour l'oublier... Et à cause de cette faiblesse, il avait rendu sa Planche à Pain terriblement triste. Si elle l'avait aimé... Il comprenait parfaitement ce qu'elle avait dû ressentir. Devoir contempler la personne que l'on aime sans pouvoir lui dire, en devant enfouir ses sentiments au plus profond de soi... C'était ce qu'il y avait de pire et il était bien placé pour le savoir. Alors imaginer qu'elle avait ressenti la même chose que lui... ça lui déchirait le cœur. Quelle que fut la manière dont il retournait la chose, il se sentait atrocement malheureux pour elle. Et il s'en voulait. Parce que tout à son égoïsme, il n'avait jamais vu -ne s'était même jamais douté, pas une seule seconde- qu'elle était amoureuse de lui. Elle avait toujours été là pour lui, et pour lui, il lui semblait évident qu'elle le serait toujours. A présent, il se rendait compte à quel point il avait aveugle et égocentrique.

Il avait fait souffrir son Améthyste... Et il avait fait souffrir son Beny. Il était incapable d'aimer ceux qu'il chérissait correctement. Il était incapable de rendre qui que ce fut heureux. Et d'ailleurs, le fait que, malgré tout le mal qu'il lui avait fait, la jeune fille soit restée à ses côtés... Cela lui faisait immensément plaisir. Mais c'était encore égoïste... Même si, il s'en doutait, elle ne lui aurait jamais dit qu'elle l'avait aimé si ç'avait encore été le cas...

-Je suis désolé, Améthyste... Mais malgré tout... Merci. Ça peut te sembler bizarre mais... Je te remercie du fond du cœur. D'être resté à mes côtés alors que tu en souffrais. De me rendre toujours heureux... Et même... Merci d'être... Juste là.

Il se força ensuite à se focaliser sur ses explications. Si elle changeait de sujet, c'était qu'elle ne voulait pas rester sur ce qu'elle venait d'avouer... Alors autant respecter ses souhaits. Maintenant qu'il l'avait remercié... Il espérait qu'elle sentirait combien il était sincère en disant ça et combien il tenait à elle.

A la fin de son petit récit, elle se détacha de lui et Ezéchiel esquissa un geste pour la retenir avant de laisser retomber son bras. Non. Il fallait qu'il cesse de ne penser qu'à ses envies. Si restait dans ses bras lui était douloureux il n'avait pas le droit de la retenir... En plus, il avait autre chose à s'occuper de nettement plus urgent, et ça, il s'octroyait le droit de le faire. Et d'ailleurs plus qu'un droit, c'était un devoir qu'il avait de le faire. Parce qu'après tout, il fallait bien que quelqu'un s'occupe du bonheur de sa petite Planche à Pain. Il l'avait fait souffrir, et il comptait bien se racheter. Et pour ça, une seule solution. Elle était bien trop affairée à se lamenter sur ce qu'elle avait fait à Morgan pour voir qu'elle se trompait sur toute la ligne. Mais bon, c'était compréhensible, et il était communément admis que les amoureux étaient tous un peu idiot -lui avec d'ailleurs.
Alors si elle ne voulait pas admettre que son archiviste l'aimait bel et bien -il était juste complètement handicapé ou débile en ce qui concernait les relations humaines- très bien ! Comme elle voulait. Mais lui, il allait se faire un plaisir de lui faire ouvrir les yeux. Bon, ce serait peut-être un peu brusque, mais au moins elle n'aurait pas le temps de protester ou de tergiverser. Ces choses là, ça ne traînait pas ! Pas question qu'elle fasse comme lui et qu'après dix ans, elle soit encore en train de l'observer en cachette.

C'était fou comme les relations amoureuses des autres pouvaient sembler simple alors que les siennes paraissaient impossible à résoudre. S'il pouvait voir aussi clair dans son semblant de relation avec Beny qu'avec ces deux tourtereaux aveugles, tout serait beaucoup plus facile !

Avec un soupir, il sortit sa baguette et la pointa sur la jeune fille. Un coup. Les yeux rouges et bouffis d'Améthyste reprirent leur aspect normal. Deux coups. Elle se retrouva coiffée. Trois coups. Son horrible sweat et son jogging trop grand disparurent, remplacés par une robe élégante et simple qu'il lui avait offert un jour mais qu'il doutait qu'elle ait jamais portée.

Trois coups. Elle était maintenant prête pour le grand saut. Ezéchiel ne lui laissa pas le temps de râler ou de demander des explications. Il l'attrapa par le poignet et la traîna derrière lui en fermant la porte de son appartement derrière eux.

-Tu sais quoi, Planche à Pain ? Fit-il avec un grand sourire satisfait -celui qui ne présageait jamais rien de bon pour les autres. Y'a qu'un moyen de te montrer que même toi, il t'arrive d'avoir tord. Et t'inquiète pas, je m'occuperais de te le rappeler toute ta vie à chaque fois que tu oseras prétendre que tu as toujours raison !

Elle était sage son Améthyste. Elle avait compris par instinct qu'il valait mieux qu'elle abandonne son pot de mixture étrange -la connaissant, il pencha pour une glace accompagnée de gâteau au chocolat, même si ça ressemblait plus à un ragoût de verracrasse- sur le bord du canapé. Parfait. Elle était à présent apte à subir son épreuve.

Il retint un soupir. Qu'est ce qu'il ne fallait pas faire pour elle... Parce que oui, ce qu'il allait effectuer demandait un certain masochisme -qu'il n'avait d'ailleurs pas. Si ça n'avait pas été pour elle, jamais il n'aurait choisi de son plein gré une telle option. Qui voudrait de lui-même se prendre un sortilège dans la figure ?! Parce que le coup de poing, il en doutait fortement. Morgan n'était vraiment pas le genre à se battre à la moldu. Forcément, il n'avait pas le gabarit pour, pensa-t-il en retenant un ricanement amusé. Si la Planche à Pain entendait ses réflexions, elle serait outrée. Mais bon, pas de sa faute si son archiviste était un freluquet ! A passer ses journées près de bouquins aussi... Ézéchiel adorait lire, mais ça ne l'empêchait pas de faire du sport, lui ! Surtout nocturne, le sport, mais et alors ? C'était tout aussi efficace...

Il se sentait plus léger maintenant qu'il dehors. Enfin, c'était surtout de savoir que sa petite brune ne lui en voulait pas -oui parce qu'il n'était pas stupide, il avait lire entre les mots de la journaliste- et qu'elle resterait toujours son amie qui lui ôtait un poids des épaules, mais ça il se garderait bien de le faire remarquer.

Le petit accent de panique ne fit qu'agrandir son sourire satisfait. Ah elle voulait l'éviter son petit bouquiniste ? Et bien non ! Ce serait trop facile ! Pas question de la laisser faire, surtout qu'à ce rythme là, elle allait finir obèse. Oui, s'il ne faisait rien... L'ancien serpentard eut la vision d'une Améthyste vieille, ridée, emmitouflée dans un châle, entourée de chats et la graisse dépassant de sa chaise. Il laissa échapper malgré lui un gloussement joyeux. Oh Salazar. C'était vraiment lui qui venait d'émettre ce son ? Non, impossible. Absolument impossible. Pour se donner contenance -non la Planche à Pain n'avait rien entendu- il lui lança d'un ton ton faussement exaspéré :

-Enfin, Sweetie, tu as bien une petite idée non ? Ce chemin ne te rappelle rien ? Tu l'empruntes souvent pourtant... Par exemple... Pour aller voir ton joli petit archiviste coincé ?

Elle allait le haïr. Oh ça oui. Il en avait parfaitement conscience. Mais après elle allait l'adorer. Et ça aussi il en avait parfaitement conscience. D'ailleurs ça lui plaisait déjà plus. Quoique... Il aimait bien quand elle pestait comme ça aussi. C'était différent mais très amusant ! M'enfin... ça ne valait pas la gratitude infinie qu'elle aurait pour lui quand elle serait ENFIN casée avec son petit minou. Ça lui ferait bizarre d'ailleurs de la voir en couple. Il fallait vraiment qu'il se dépêche de séduire son Beny, sinon il allait finir par être jaloux. Comme s'il ne l'était pas déjà assez ! Mais bon, il ne serait jamais jaloux de Morgan. Il n'était vraiment pas fait pour lui ! Beny était beaucoup mieux ! Quouqu'ils avaient quand même des ressemblances tous les deux...

La voir fulminer entre ses dents et lui lancer des regards assassin était juste délicieusement jouissif. Elle avait oublié son chagrin. Bien bien bien. Parfait. C'était le but du jeu évidemment, qu'elle ne soit plus triste. Mais il n'allait pas s'arrêter en si bon chemin ! Il comptait bien son plan à exécution -qu'ils soient enfin casé ces deux là, et qu'on n'en parle plus ! Ça semblait tellement évident qu'ils étaient amoureux que franchement, il fallait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte !

Et malheureusement, les seules personnes pour qui ça ne sautait pas aux yeux, forcément, c'était les deux concernés. Il allait secouer un peu tout ça lui, ça leur ferait beaucoup de bien ! Pourquoi fallait-il qu'Améthyste soit tombé sur un mec aussi bouché franchement ? Du temps où il n'avait pas perdu la mémoire, Morgan aurait tout de suite su qu'elle l'aimait, alors comment avait-il pu devenir si … Bouché, il n'y avait vraiment pas d'autres mots. Parce qu'il l'avait connu lui ! Pas très bien certes, mais suffisamment pour savoir qu'il ne pouvait pas le supporter. Au moins, sa perte de mémoire l'avait un peu arrangé... Il était plus supportable, même s'il devait le seul à penser qu'il le préférait maintenant.

-Tu viens de glousser là ou je rêve ? Quoique non, je suis sûre de pas rêver, sinon ce serait un cauchemar, et dans mes cauchemars, tu glousses pas ! Depuis quand tu glousses toi !? 

Zut. Elle l'avait entendu. Pourtant il avait décidé que ce ne serait pas le cas ! La saleté. Elle le faisait exprès, il le savait ! Mais si elle voulait le déstabiliser -parce que c'était son intention, il n'y avait aucun doute là-dessus- elle serait déçue... Parce que son attitude ne changea pas d'un poil. Oui, d'accord il ne se serait jamais permis d’émettre un tel son en temps normal. Mais justement, la situation était loin de l'être ! Alors il pouvait se l'autoriser, non ? Et puis il fallait bien qu'il glousse au moins une fois dans sa vie, pour voir ce que ça faisait. Au moins s'il devait mourir, il saurait quel son ça produisait sur lui. Et c'était étrange, il devait bien l'admettre. Il n'avait même pas reconnu sa voix. Mais ce n'était pas tout ça, il fallait qu'il montre à sa Planche à Pain que quoiqu'elle fasse, rien ne le dissuaderait de mettre ses prévisions à exécution. Son plan était trop parfait pour qu'il l'abandonne ! Bon, la seule qui n'était pas si parfaite, c'était que s'il ne se trompait pas -et ça tombait bien, parce qu'il n'avait jamais tord- son dos allait sûrement souffrir... Enfin. Il fallait bien faire quelques sacrifices dans la vie, et sa journaliste était l'une des rares -des trois en fait- personnes à qui il était près à faire des concessions.

-Ma très chère Planche à Pain, fit-il avec un magnifique sourire carnassier. Oui, en effet, j'ai gloussé. J'espère que tu as bien fait résonné ce son dans tes oreilles, parce que tu ne risques pas de le réentendre de si tôt... Sauf si tu m'en redonnes l'occasion évidemment. Et sache que j'avais une très bonne raison à ce rire. J'imaginais simplement ta tête quand tu auras compris l'ampleur du merveilleux plan que j'ai conçu pour toi...

Décidément, elle s'obstinait. Pourtant elle devrait avoir compris qu'il ne servait à rien de gigoter... Quand il était dans cet état là, une armée d'aurors ne pourraient pas pu le stopper. Il était de si bonne humeurs qu'une aura réjouie planait autour de lui.

-Ezéééééééé ! Supplia-t-elle presque larmoyante. Veux pas y aller ! Veux aller me cacher sous ma couette pour le reste de ma vie ! Laisse moi rentreeeeeeer ! 

Haha ! Comme s'il allait céder, pensa-t-il en l'ignorant royalement. Bientôt elle serait tellement reconnaissante qu'elle se pendrait à son cou en lui disant qu'il était génial. Et puis, se cacher sous sa couette toute sa vie ? Pas question, il s’ennuierait bien trop. Ses gémissements plaintifs de chiot abandonné sous la pluie ne changeraient rien à sa décision. Certes elle le détestait en cet instant. Certes ses lamentations ne lui faisaient pas plaisir -après tout, c'était sa meilleure amie, même lui ne pouvait pas rester de marbre face à de telles suppliques, bien qu'il se fisse un devoir de ne pas le lui montrer- et certes si ça ne marchait pas, il se ferait lapider à cou de coupoles à glace, mais ce n'était pas une raison pour faire demi tour ! D'ailleurs ils étaient arrivés, et elle avait cessé de se débattre, résignée comme un elfe de maison à qui on tend un vêtement. Il préférait ça, au moins il n'avait plus l'impression de traîner un hippogriffe mort derrière lui.

Un sourire sournois se dessina sur son visage. Il allait voir ce qu'il allait voir ce petit brun... Il allait lui donner de quoi se décoincer un peu lui ! Et de quoi rendre sa Planche à Pain heureuse tant qu'il y était. Parce que mine de rien, il souhaitait ardemment ne plus jamais la voir comme ça.
Il gravit les marches de pierre qui menaient au bâtiment avec des grandes enjambées pressées et s'engouffra dans la bibliothèque. D'après ce que lui avait dit Améthyste, il était toujours au fond... Tant mieux, ça lui éviterait une humiliation publique.

Alors... Où était-il  ? Ah ! Là-bas ! Très bien... Il avait levé la tête vers eux. Encore mieux ! Il n'aurait même pas besoin d'attirer son attention, elle était déjà toute centrée sur eux. Ouh là, en effet, il avait vraiment un visage impassible. Même lui était incapable de savoir à quoi il pensait... Mais il n'était pas là pour ça. Il s'arrêta juste en face de l'archiviste, attira la journaliste contre lui avec un air chafouin et, avant qu'elle ne puisse esquisser le moindre mouvement, se colla à elle et l'embrassa.

Pourquoi fallait-il que Merlin soit si cruel avec lui ?! Il avait vraiment dû le froisser, ce vieux schnoque aux légendaires caleçons ! Non parce que là, s'il n'avait pas une entité divine -et encore, franchement, le « divine » lui écorchait les neurones, comment un tel croûton pouvait-il être divin?!- aux basques, il ne voyait vraiment pas pourquoi il accumulait autant la malchance. Déjà Beny. D'accord, il aurait pu lui dire à Poudlard qu'il aimait, mais il n'assumait pas son homosexualité, et il n'avait pas et très envie de se faire jeter. Mais après ! Après il avait dû attendre que Monsieur daigne revenir de sa petite virée en Europe, et qu'il rompe avec son petit ami pour espérer lui avouer qu'il était amoureux. Sauf que forcément à ce moment là il avait découvert que son pâtissier était tombé sous le charme d'un pauvre crétin bellâtre ! Et maintenant, alors qu'il allait accomplir une bonne action -et pourtant ça n'arrivait pas souvent!- il se retrouvait avec cette malédiction sur le dos.

Il ne voyait que ça : Merlin l'avait maudit, parce qu'Ezéchiel s'était toujours moqué de sa pseudo existence et qu'il le traitait sans cesse de vieux croulant issu de l'imagination d'un enfant de trois ans atteint de folie chronique. Et dire que ce vieux con était censé apporter le bien ! … Bon d'accord, le vieux con en question devait se contenter de réaliser toutes les prières de malheur que lui lançaient la centaine de personne qui lui en voulaient mais quand même ! Pourquoi s'acharner comme ça ?! Parce que là, stop ! Il venait dans l'unique but de caser sa Planche à Pain -en sachant qu'il allait y laisser des plumes!- et qu'est ce qu'il voyait ? Le petit archiviste, là, juste devant. Oui, JUSTE DEVANT ! Alors qu'en temps normal il créchait au fin fond de la bibliothèque ! Mais qu'est-ce qu'il foutait là ?! C'était un fait exprès, voilà tout. Puisqu'il savait qu'il allait être humilié, Merlin avait décidé qu'il le soit devant tout le monde.

Bon. Très bien. Il allait donc devoir accepter cette humiliation publique avec sagesse et philosophie... Mais il n'était ni sage, ni philosophe, et dès qu'il remettrait la main sur cette Planche à Pain qui l'obligeait à se ridiculiser, il s'arrangerait pour qu'elle le rembourse ! Elle avait intérêt à lui acheter une bouteille digne de ce nom de whisky-pur-feu... Un 1982 tiens ! Meilleur cru depuis des décennies. Mais là n'était pas le sujet.

Quand il se colla à Améthyste et qu'il l'embrassa, il avait largement anticipé ce qui allait suivre. Et il ne fut pas déçu du résultat -même si ça ne l'empêcha pas de se demander pour la énième fois pourquoi il avait conçu un plan pareil. Qu'elle le repousse, ça ce n'était pas grand chose -et heureusement qu'elle l'avait fait sinon toutes ses prévisions n'auraient pas pu se réaliser. Mais ce fut après qu'Ezéchiel serra les fesses dans l'attente du pire... Qui ne manqua pas d'arriver, évidemment. Et quand il alla s'écraser contre une étagère, il ne put retenir une grimace douloureuse. Aouch. Il n'y avait pas été de main morte le petit... Il cachait bien son jeu, le fourbe ! Il aurait pu lui lancer un sort moins fort quand même... L'envoyer valser comme ça ne lui causait donc aucun remord ?! Tss ! Saleté d'archiviste insensible ! Bon, il devait avouer que s'il n'avait pas fait ça, il se serait retrouvé bien embêté... Parce que là, ça aurait vraiment grillé toutes les chances d'Améthyste. Mais quel resterait de glace quand la fille qu'il aime est en train de faire embrasser par un mec sous votre nez, et qu'elle semble ne pas apprécier ça ? De toute évidence, Morgan ne dérogeait pas à la règle -et heureusement pour lui.

Au moins, maintenant qu'ils étaient plantés l'un en face de l'autre -oubliant totalement sa présence, ça faisait plaisir!- ils seraient obligés de s'expliquer, et ça, c'était la meilleure chose qui pouvait leur arriver.

Bien ! A présent qu'il avait créé la scène... Il n'avait plus qu'à profiter du spectacle. Après tout, il l'avait bien mérité, et sa Planche à Pain lui devait bien ça -après tout à cause d'elle il allait avoir mal partout! Aussi se glissa-t-il derrière les étalages de livres et s'assit-il en prenant soin de bien voir le tableau dans son ensemble.