Trick and Treat ~ Gavriil

21 Février 2014, au soir

Marre ! Il en avait marre ! Il avait eu une rude journée et il voulait juste que tout ça se termine ! Mais d'un autre côté, il n'avait pas envie de rentrer chez lui pour passer la soirée à broyer du noir. L'entraînement avait été une catastrophe et l'entraîneur ne les avait pas loupé. Sendre l'entendait encore vociférer dans un coin de sa tête ses gentillesses et ses encouragements sans nom.

- Vous n'êtes qu'une bande de veracrasses ramollis du bulbe sur le point de mourir ! Un fœtus encore coincé dans l'utérus de sa mère serait plus énergique que vous ! Ce n'est pas comme ça qu'on va être sélectionné pour le mondial ! Vous êtes pitoyables ! Pathétiques ! Vous ne méritez même pas le centième de la reconnaissance et de l'adoration que vous porte la population d'Angleterre ! Vous devriez tous avoir honte ! Vous allez me faire vingt tours de terrain pour vous faire pardonner cette plaisanterie sans nom que vous osez appeler entraînement et qui n'était en réalité qu'un horrible fiasco ! Vous êtes payer par les équipes adversaires pour faire de la merde ou quoi !? Reprenez vous ou vous serez tous virés ! Je m'en moque que le mondial soit pour bientôt ! À l'heure actuelle aucun de vous n'a sa place dans cette équipe ! Courrez bandes d'abrutis ! Plus vite que ça !

Et ça avait continuer pendant ce qui lui avait semblait être des heures ! À tel point que l'attrapeur en était ressorti avec un mal de crâne horrible et une furieuse envie de briser son balais en deux ou d'aller se réfugier au fin fond de la forêt interdite où, il en était sûr, il trouverait des créatures cent fois plus sympathique et agréable que ce vieil imbécile puant qui leur servait d'entraîneur ! D'un pas rageur, Sendre quitta l'enceinte du stade dans lequel ils s'entraînaient et transplana chez lui où il fut accueilli par Fluffy, son adorable Shih Tzu qui lui sauta dessus en remuant la queue. Recevoir un peu d'amour après pareil séance de torture lui fit du bien et il caressa son petit chiot avant d'aller prendre une douche, chose qu'il n'avait pas faite avant de partir. Il était tellement en colère qu'il avait préféré partir au lieu de courir le risque de dire sa façon de penser à cet abruti ! Ils avaient passé des heures à s'entraîner ! Il croyait quoi !? Qu'ils allaient être frais et dispo aussi longtemps qu'ils resteraient sur le terrain !? C'était complètement stupide bon sang !

Le jet brûlant de la douche lui détendit les muscles et finit par le détendre tout court, lui faisant oublier son entraîneur et le stade de Quidditch, faisant disparaître, avec l'eau qui coulait le long de son corps, les dizaines d'insultes qu'il avait dû essuyer pendant qu'il se faisait hurler dessus avec ses co-équipiers. Lorsqu'il sortit de la douche, il se sentait beaucoup plus calme, mais il n'avait quand même pas envie de passer la soirée chez lui, pas après une telle journée. Il prit néanmoins le temps de se préparer à dîner, partageant même son steak avec Fluffy qui adorait ça, tout comme lui, puis il quitta sa maison. Non sans avoir au préalable couvert son petit chiot de caresses. Une fois sortit, il transplana pour le Londres sorcier. Il aurait très bien pu aller voir ses parents, et son adorable petite sœur, mais il n'avait pas envie de les ennuyer avec ça et puis, il était un peu plus de neuf heure et il ne voulait pas les déranger. Il se demanda vaguement où allait, il était hors de question qu'il aille au chaudron baveur, il y avait trop de monde et surtout une clientèle bien trop hétéroclite. Alors qu'il se demandait où il pourrait bien passer la soirée, son attention fut attiré par un groupe qui sortait d'un bâtiment. Bâtiment qui semblait être un bar comprit-il en déchiffrant l'enseigne du Helly Heaven. Sans réfléchir une seconde de plus, il entra.

L'atmosphère du bar lui plaisait bien et il n'y avait pas trop de monde, aussi décida-t-il de rester. Il repéra relativement vite – après tout, c'était son métier de repérer – une table libre dans un coin du bar et il alla s'y installer. Il n'avait pas vraiment envie d'attirer l'attention sur lui et de passer la soirée à signer des autographes, surtout pas après une séance d'entraînement comme celle qu'il avait dû subir. Il attrapa la carte de boissons que proposait l'établissement et commença à la parcourir. Ses yeux s'arrêtèrent sur un cocktail qui portait un drôle de nom : Hell Red. En lisant sa description, il constata qu'il était, en partie, composé de vodka et de liqueur de cerise. Ça ne devait pas être mauvais. Regardant autour de lui, il chercha des yeux une serveuse et constata que l'une d'entre elles, puisque apparemment il n'y avait que deux femmes qui travaillaient ici, s'avançait vers lui.

- Bonsoir, lui dit-il une fois qu'elle fut à sa hauteur, je prendrais un Hell Red s'il-vous plaît.

En observant la serveuse, il eut l'impression de l'avoir déjà vu, puis une scène lui revint en mémoire. Il l'avait bousculé quelques jours plus tôt sur le Chemin de Traverse s'il se souvenait bien. Il était étonnant de la revoir ici, il ne s'était pas attendu à ce qu'elle travaille dans un bar.

**Gavriil A. Ivanovski** *sorcier(e)* ϟ PARCHEMINS : 223

Gavriil avait décidé de s'offrir le luxe d'une grasse matinée, ce jour là. La veille, il avait écouté les histoires d'Aleksei jusque tard dans la nuit, puis il avait dû gérer une Sonia pas du tout contente de devoir se coucher. Elle voulait absolument que son grand frère continue ses récits et n'avait pas l'intention de dormir. Sauf que le dit grand frère travaillait le lendemain, et ça avait donc été au plus jeune de s'occuper d'elle. Enfin, Natasha aussi en faisait les frais puisqu'elle partageait leur chambre, mais elle était plutôt du genre à soutenir la cadette que d'essayer de la raisonner... Et c'était d'ailleurs ce qu'elle avait fait. Il s'était retrouvé à leur raconter toute sorte de contes jusqu'à une heure pas possible avant qu'elles ne s'endorment sur son lit, roulées en boule contre lui. Il avait gagné le droit de dormir le matin... Merlin savait que gérer les deux filles n'était pas de tout repos.

Il fut le dernier à se lever. Pour une fois. D'habitude c'était toujours lui le premier. Il devait sans cesse veiller à ne pas faire de bruit pour ne réveiller personne. Ce matin, il avait pris des vacances. Toutes petites mais quand même. Et puis il pouvait bien se le permettre, son dernier client avait été très généreux. Un vieux riche qui n'avait sûrement pas d'héritier, vu la somme qu'il lui avait donné... Et en plus il n'allait pas tarder à recevoir sa paye. Décidément, ce salaire fixe l'aidait vraiment. Depuis qu'il travaillait au bar, il n'avait plus à se priver, et pouvait même se permettre de faire des cadeaux à ses frères et sœurs, ce qui avant n'arrivait qu'exceptionnellement. Sans compter qu'il se sentait beaucoup mieux maintenant qu'il connaissait la jeune fille.

Mine de rien, elle lui avait apporté énormément sur le plan sentimental. C'était une personne avec qui il n'avait pas besoin de faire semblant, et à qui il pouvait se confier. Pas besoin de lui cacher les problèmes d'argent -qu'il n'avait plus- ou les jours de déprime. Quand il n'avait pas le moral, il venait la voir et tout allait mieux. Ils discutaient de tout et de rien, et c'était ça qui lui plaisait. Pouvoir être normal. Sans faux semblants. Juste elle et lui. C'était reposant.

Il se débarbouilla le visage à l'eau froide -l'inconvénient quand on se levait dernier, c'est qu'il n'y avait plus d'eau chaude- et se planta devant son armoire pour choisir ses vêtements. Le soleil semblait s'être décidé à pointer le bout de nez à travers l'épaisse couche de nuage, et puisqu'il ne savait pas combien de temps cette chance allait durer, il porta son choix sur une robe qu'il aimait beaucoup et qu'il n'avait pas eu l'occasion de mettre depuis un moment. Il était loin d'être frileux, mais la porter en plein hiver ce n'était pas très raisonnable. Là il faisait 8 degrés d'après sa grand-mère -qui arrivait toujours à estimer la température à un ou deux degrés près- c'était largement suffisant. Il enfila quand même un paire de collants transparents, et une veste noire courte pour ne pas cacher le bas de sa robe, qu'il adorait. Il prit ensuite le temps de se vernir les ongles -chose qu'il n'avait plus fait depuis au moins une deux semaines tant il avait été occupé- avant de se maquiller avec soin, prendre ses bottines à talons et sa sacoche et de sortir de l'appartement.

Il fut rattrapé par Sonia quelques mètres plus loin, qui protestait parce qu'elle n'avait pas eu son bisous. Avec un sourire amusé, Gavriil lui laissa une trace de rouge à lèvres sur les joues et s'éloigna pour de bon.

Finalement, le soleil resta toute la journée, disparaissant de temps à autre pour refaire une apparition timide un peu plus tard, et quand il arriva au bar, il était de bonne humeur. Le beau temps faisait sortir les gens -et les faisait acheter surtout ! Il salua Eden de la main, suspendit sa veste et sa sacoche sur le porte-manteau des vestiaires et s'installa derrière le comptoir pour sortir les verres en attendant qu'elle ouvre. Bizarrement, il n'y eut pas autant de monde que ce à quoi il s'était attendu. Ordinairement, quand il faisait ce temps, il y avait plus de clients... Mais bon, il n'allait pas s'en plaindre. Il avait moins de travail comme ça.

Il était appuyé contre le comptoir, en train de discuter avec des habitués en triturant son collier lorsque qu'un homme passa devant lui pour aller s'asseoir à une table un peu à l'écart. Gavriil posa ses yeux sur la courbe de son dos, manifestement très musclé, et sur sa démarche confiante et relâchée. Ce mec, c'était pour lui ! Il lança un regard de défi amusé à sa patronne qui était à l'autre bout du bar -aucune chance pour elle d'arriver avant lui, dommage!- et s'avança vers l'inconnu. Qui n'était pas si inconnu réflexion faite. Une fois arrivé près de lui, il constata qu'il l'avait rencontré. C'était quelques jours auparavant, alors qu'il remballait ses affaires. Une de ses connaissances l'avait averti que des gens du ministères allaient faire une descente et il n'avait pas l'intention de s'éterniser dans les parages. Il avait rassemblé sa marchandise et s'était éloigné rapidement, avant d'entrer en collision avec une paire de magnifiques yeux bleus. Il lui avait adressé un beau sourire et en aurait bien profité pour faire plus ample connaissance, mais il ne voulait s'attirer d'ennuis et avait dû filer.

Merlin l'avait sûrement pris en pitié pour envoyer le bel homme une nouvelle fois vers lui...

-Un Hell Red, c'est noté ! Fit-il avec un beau sourire.

Il tourna les talons en s’appliquant à se déhancher ni trop, ni pas assez. Il n'avait pas l'air d'être le genre à aimer le vulgaire, plutôt le style élégant. Et tant mieux, il avait une belle robe dans le style pour le faire craquer ! Il s'empressa de faire le cocktail, mettant bien les ailes et la queue de démon comme Eden lui avait appris à le faire, et il revint un peu après lui déposer à sa table.

-Voilà votre commande ! Déclara-t-il en s'asseyant en face de lui.

Il dévisagea un instant. Il avait vraiment des prunelles magnifiques...

-J'imagine qu'on te le dit souvent, mais quand on regarde tes yeux on a l'impression de se retrouver en train de voler dans le ciel. Qu'est ce qui t'amène ?

Sûrement une envie d'animation, sinon il serait chez lui. Mais pas trop d'animation non plus, ou il serait avec des amis. Il doutait fort qu'il soit le genre de personne à ne pas avoir beaucoup de connaissances, il semblait au contraire être quelqu'un qui attirait les autres, vu le charisme qu'il dégageait...

La serveuse était plutôt mignonne nota Sendre tandis qu'elle s'éloignait pour aller lui préparer son cocktail. Et elle avait un joli déhanché avec ça ! Non pas qu'il avait regardé ses fesses hein, elles avaient juste attirées son regard tout à fait accidentellement. Il n'était pas du genre à reluquer les fesses d'une inconnu après tout. Pour ne pas être attiré, une nouvelle fois, par la belle paire de fesses bien bombée de la serveuse, l'attrapeur reporta son attention sur sa table bien qu'il put relativement se concentrer sur sa boisson. Boisson qui était servie dans un très joli verre cela dit en passant, il comprenait mieux pourquoi ce cocktail s'appelait Hell Red en le voyant. La boisson avait un joli rouge et la queue et les ailes de démons sa mariaient plutôt bien avec le reste.

- Merci, dit-il à la serveuse avant de remarquer qu'elle s'asseyait avec lui.

Sur le coup, il ne sut pas comment réagir et se contenta de la regarder surpris. Pourquoi diable s'était-elle assise avec lui !? N'avait elle donc pas d'autres clients à servir ? D'autant plus que la brune qui était derrière le comptoir lui lançait un regard noir. D'abord, il crut naïvement qu'il s'agissait d'une fan de l'équipe de Quidditch d'Angleterre – il en rencontrait souvent – et qu'elle voulait soit un autographe, soit savoir comment se passait les entraînements et s'ils allaient, ou non, se qualifier pour le mondial. D'ailleurs, il n'avait pas vraiment envie de répondre à ce genre de questions pour le moment, mais finalement, ce n'était pas ce qui semblait l'intéresser. Car Sendre fut bien obligé de se rendre à l'évidence, elle était en train de le draguer ! Il ne l'avait vraiment pas vu venir celle là, mais alors vraiment pas. Certes ça lui était déjà arrivé de se faire – lourdement – draguer par quelques groupies mais...pas comme ça. Pas dans un bar alors qu'il espérait passer une soirée tranquille. Non pas qu'il trouvait la compagnie de la demoiselle désagréable, mais il espérait juste que ce n'était pas une psychopathe. D'ailleurs, elle avait plutôt l'air gentille, mais l'expérience lui avait appris à se méfier. Un jour une fan hystérique l'avait suivi dans la rue et avait essayé de l'agresser pour lui voler son t-shirt, et il en gardait un très mauvais souvenirs et ne voulait plus revivre quelque chose de similaire. Plus jamais.

- Pour être honnête, on me dit plus souvent que j'ai des abdos hypnotisant plutôt que des beaux yeux mais merci, lui répondit-il avec un léger sourire – il ne voulait pas trop l'encourager non plus. Et je suis venu parce que j'avais envie d'un verre, confessa-t-il en prenant son cocktail.

Cocktail qu'il porta à ses lèvres pour en boire un peu et il dut bien reconnaître qu'il était très bon ! Lui qui n'avait pas vraiment l'habitude de ce genre de fantaisie se surprit à le savourer. Avant de reporter son attention sur la serveuse qui n'avait visiblement pas l'attention de partir. Finalement, il n'allait pas s'en plaindre. Il était venu ici parce qu'il ne voulait pas rester seul chez lui alors un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal. Tant qu'elle comprenait qu'une fois qu'il partirait, il partirait seul. Mais encore une fois, ça, ça dépendait de la santé mentale de la demoiselle. Et il pria Merlin pour qu'elle soit saine d'esprit !

- Toi aussi tu as des beaux yeux d'ailleurs. Je m'appelle Sendre, se présenta-t-il dans l'espoir qu'elle en fasse de même.

Après coup, il réalisa qu'elle devait sûrement savoir comment il s'appelait, ce n'était pas comme s'il n'avait jamais fait la couverture de magazines de Quidditch. Enfin, peut être restait-il des gens qui ne savaient pas qui il était. D'ailleurs il l'espérait parce que autant il adorait jouer au Quidditch et pourchasser le vif d'or, autant il se serait bien passer de la célébrité qui allait avec et qui compliquait un tant soit peu son existence.

**Gavriil A. Ivanovski** *sorcier(e)* ϟ PARCHEMINS : 223

Le Hell Red était une des boissons qui faisaient le succès du bar. Avec sa version ange bien sûr, c'était ce qui faisait le charme du cocktail. Enfin bon, lui n'était pas vraiment adepte de ce genre de liquide. Il préférait la vraie boisson, la pure, la vodka par exemple. Quoique... Il adorait la vodka cerise, ce n'était donc pas si pur que ça, mais ça avait un autre goût que cette eau sucrée ! D'ailleurs il lui donnait envie... Mais déjà qu'il avait chipé le beau mec de la soirée et qu'il la laissait servir seule, Gavriil préféra éviter d'aller piquer une bouteille. Heureusement qu'il avait toujours sa fiole sur lui ! La plupart des Ivanovski se baladaient avec une réserve d'alcool en cas de besoin. Un petit coup dur, ou même une simple envie. Il ne dérogeait pas à la règle. D'autant plus qu'il s'agissait de la vodka importée directement de Russie et faite par ses grands-parents restés au village. Ils leur envoyaient régulièrement des caisses. Histoire de les approvisionner. Parce que des russes sans vodka, c'est un peu comme un pin sans épines. Inhabituel. Et bizarre. Enfin, il ne savait pas pour les autres russes, mais en tous cas ça valait pour sa famille. Et pour lui.

Il se pencha donc et décrocha la flasque qu'il portait ceinturée à sa cuisse et la porta à sa bouche en regardant son interlocuteur avec un sourire. De toute évidence, il ne s'était pas attendu à ce qu'il reste et à ce qu'il discute avec lui. Pourtant, avec un physique comme le sien, il devait souvent être dragué... Il rigola en entendant sa réponse. Ses abdos ? Sportif donc. Quoique, vu sa carrure, le 'sportif' était plutôt logique. Pourtant les abdominaux n'étaient pas vraiment la partie du corps qu'on regardait en premier... Peut-être était-il mannequin ? Ou alors naturiste. Hum, s'il l'était, il ne fallait pas qu'il se prive... Il jetterait bien un coup d’œil à son torse, lui.

-Je dirais bien la même chose mais je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'aller voir si c'était vrai ou non, sourit-il.

Il observa son interlocuteur boire son cocktail. La plupart du temps, il savait si une personne était hétéro ou homosexuelle en la regardant, et il se vantait de pouvoir le deviner rapidement. Lui pourtant... Il hésitait. A voir son maintien et son charisme, il aurait dit hétéro, mais il y avait un petit quelque chose dans son regard qui le troublait. Peut être bi après tout. Ça restait à voir. En tous cas c'était une personne droite et polie. Parce que bon, Gavriil avait souvent essayé de séduire en s'incrustant à la table de sa victime, mais il y avait parfois des gens qui le rembarraient lorsqu'ils voulaient être seuls. Et de toute évidence, lui était venu ici pour trouver un peu de tranquillité. Qu'il n'avait pas. Mais il ne semblait pas particulièrement dérangé par sa présence, aussi décida-t-il de rester à discuter avec lui. De toutes façons, qui n'essaie rien n'a rien. Un dicton que le travesti se répétait souvent.

Il la regarda, un peu surpris. C'était assez rare qu'on lui fasse des compliments, d'habitude c'était lui qui soufflait ce genre de flatteries aux clients. Sans compter qu'il ne trouvait pas ses yeux exceptionnel lui. Il savait qu'ils avaient une couleur assez jolie, mais pas magnifique non plus. En fait, ses prunelles changeaient de couleurs selon l'éclairage, oscillant entre le bleu, le gris et le vert et le russe n'aimait pas trop ça. Alors que le regard bleu de l'inconnu en face de lui restait bleu quel que soit la façon dont on le contemplait.

-Merci, sourit-il.

Ainsi le bel homme en face de lui s'appelait Sendre. Un joli prénom. Original en plus... Mais autant il appréciait ce nom, autant il trouvait que ça n'allait pas vraiment à l'inconnu. Il semblait plutôt du genre à créer la verdure que de tout réduire en cendres... Et puis le bleu lui allait mieux que le gris. Même s'il devait reconnaître que Sendre faisait un plus joli nom que Blue.

-C'est un beau nom. Même si je trouve que le bleu te va mieux que le gris. Moi je suis Gabrielle.

Il lui adressa un sourire étincelant, habitude qu'il avait pris : à chaque fois qu'il se présentait, il faisait la même tête. Déformation professionnelle...

C'était une flasque d'alcool qui la demoiselle venait de détacher de sa cuisse ou il nageait en plein rêve ? Non, il ne venait pas d'halluciner, finit il par conclure en observant la blonde portait la flasque à ses lèvres. Le moins que l'on puisse était qu'au moins c'était une jeune femme pleine de surprises et Sendre ne put retenir un petit sourire amusé en la voyant faire. Sourire qui s'accentua quand il entendit qu'elle n'avait jamais vu ses abdominaux. De toute évidence, ce n'était pas une fan de Quidditch mais il ne pouvait pas l'en blâmer. Au moins, il était rassuré de voir que toutes les sorcières d'Angleterre ne fantasmaient pas devant son corps. Néanmoins, pour rétablir l'équité entre la jolie blonde et le reste de la population, il s'éloigna légèrement de la table et souleva son haut pour lui dévoiler ses muscles. Quoique, à en juger par les regards qui étaient posés sur lui, la demoiselle n'était pas la seule à en profiter et s'il en croyait les yeux exorbités de la brune qui se trouvait derrière le comptoir, la patronne semblait ne pas y croire et était peut être un peu jalouse.

- Alors verdict ? Demanda l'attrapeur avec un sourire amusé.

En vérité, Sendre savait très bien qu'il avait un beau corps musclé et qu'il plaisait à beaucoup de femmes – qu'elles soient jeunes ou non – la seule chose qu'il souhaitait savoir, c'était s'il lui plaisait ou pas. La demoiselle sembla surprise par son compliment et il se demanda bien pourquoi. Elle avait des yeux magnifiques, on avait dû le lui dire souvent, il ne devait pas être le premier. Surtout que ses yeux changeaient de couleur selon l'éclairage et il trouvait ça fascinant, ce qui lui donnait encore plus de charme. Un de ses sourcils s'arqua quand il entendit la drôle de phrase que prononça la jolie blonde. Ainsi donc le bleu lui allait mieux que le gris, sans doute à cause de la couleur de ses yeux.

- Pour tout te dire, quand je suis né j'avais les yeux gris, c'est pour cette raison que ma mère a choisi de m'appeler Sendre. Quant à toi, tu portes très bien ton prénom avec ton visage d'ange.

Il le pensait vraiment, Gabrielle avait vraiment une bouille d'ange néanmoins Sendre se doutait bien que derrière ces traits se cacher beaucoup de secrets qui n'étaient peut être pas tout blanc. Enfin, il ne pourrait pas vraiment se prononcer puisqu'il ne la connaissait pas vraiment mais au moins il pouvait dire de manière certaine qu'elle était une compagnie agréable. Il avait beau être venu ici pour avoir un peu de tranquillité et de l'alcool, pourtant il ne se plaignait pas qu'elle se soit assise à sa table et qu'elle lui tienne compagnie. Par contre, ça semblait déplaire à la jolie brune qui se trouvait derrière le comptoir et l'espace d'un instant il eut peur qu'elle ait des ennuis à cause de sa présence ici.

- Je crois que ta patronne n'apprécie pas vraiment que tu me tiennes compagnie plutôt que travailler... Tu risques pas d'avoir des ennuis ?

Il ne cherchait pas à la faire fuir en lui parlant de ça, il était bel et bien inquiet à ce sujet. Il refusait que qui que ce soit ait des ennuis à cause de lui, surtout pas une personne aussi charmante que la jolie blonde assise face à lui.

**Gavriil A. Ivanovski** *sorcier(e)* ϟ PARCHEMINS : 223

Le jeune homme était totalement différent des personnes qu'il fréquentait d'habitude. Gavriil se sentait étrange. Détendu, c'était le mot qui correspondait le mieux à son état. Et c'était un exploit. Les seules personnes avec qui il pouvait être serein étaient Eden et sa famille. Lorsqu'il s'agissait d'inconnu, il avait beau être parfaitement à l'aise en apparence, dans le fond, il était sans arrêt sur ses gardes, à l’affût de tout ce qui se passait. Il faisait attention à ses paroles, à ses gestes. Rien ne devait le trahir. Que ce soit quand il passait du temps avec des clients, ou quand il parlait à des gens dans la rue pour des informations. Il avait peur, peur que l'on découvre sa vraie nature, ou qu'il n'aie pas de papiers, ou encore qu'on le tire dans une ruelle pour abuser de lui. Avec Sendre... Il avait l'impression de ne pas avoir besoin de crainte. Il était droit. Ça se voyait. Il n'avait pas l'habitude des gens droits... Mais ça faisait du bien. Comme une bouffée d'air pur au milieu d'une atmosphère encombrée de souffre. Les gens biens comme lui avaient le don de le captiver.

Il étouffa une exclamation surprise en voyant l'homme soulever son tee-shirt. En plein bar, sérieusement ? Il ne devait être bien loin de la vérité lorsqu'il avait formulé l'hypothèse du nudisme, pensa-t-il amusé. En tous cas, il ne semblait pas gêné par la présence des autres qui ne se privaient pas de le zieuter. Sendre était apparemment une personne sans complexes qui n'offrait aucun décalage entre ses pensées et ses gestes. Gavriil avait du mal à concevoir l'existence d'une telle personne, si honnête qu'elle n'avait rien à cacher. Cette prise de conscience, bien plus que le ventre effectivement terriblement bien musclé du sportif -il était devenu certain qu'il l'était- le fit se sentir étrange.

Non, c'était impossible. Cet homme devait être un très bon acteur. On ne pouvait pas, comme ça, faire tout ce qui nous passait par la tête. Il plongea ses prunelles dans celles d'un bleu pures en face de lui. Il savait déceler le mensonge. Quel qu'il soit. Il savait lorsqu'une chose était fausse. Et Sendre ne l'était pas. Il était juste... Naturel. Vivant. Il était là, il profitait du moment présent, et c'était tout ce qui avait l'air de lui importer. Le russe en eut le souffle coupé. Il était différent de toutes les personnes qu'il avait rencontré. Même les honnêtes gens. Il émanait de lui un charisme, un plaisir de vivre, une forte personnalité, il ne savait quoi d'autre... Mais il attirait les foules, c'était évident. Il avait quelque chose. Le cœur du blond battait à la chamade et il ne comprenait pas pourquoi. Il avait envie de rire et de pleurer. Pleurer parce que cet homme ne faisait pas parti du même monde. Il partirait et il ne le reverrait plus. Et même s'il le revoyait, il y avait un fossé entre eux. Rire parce que... Il se sentait léger. Incroyablement léger. Comme si les chaînes qu'il traînait depuis si longtemps avaient disparu tout à coup. Le ciel avait l'air plus bleu, le bar plus beau. Et... La vie moins grise. Depuis sa naissance tout avait été gris. Gris le paysage de Russie. Gris les murs de sa maison. Grise la brume de Londres. Gris les immeubles, les pavés, les vestes des gens. Là... Il y avait du bleu. Partout du bleu. Et de la lumière.

Il éclata de rire. Un rire libérateur, un rire sincère, comme il n'en avait plus eu depuis son enfance. Le rire de n'importe quel jeune de 22 ans. Il passa un doigt sur le contour de ses abdominaux, traçant le bord du nombril en appréciant la peau sans défaut de Sendre.

-Hum... Fit-il en souriant d'un air taquin. Ça n'a pas l'air d'être un sortilège. Il faut croire que tu as réellement un beau corps ! Mais je préfère quand même tes yeux.

Parce que ses yeux laissaient filtrer tant de chose que ç'aurait été un crime de ne pas les regarder. On y lisait ses émotions, et de l'existence, de la vie, une cascade de vie claire et limpide, la vérité, belle, simple. Il avait toujours pensé que la vérité était laide en toutes circonstance. Mais il devait avouer qu'il s'était trompé...

Sans prévenir, son cœur se serra. Un visage d'ange qui allait bien avec son prénom ? Pourquoi est ce qu'il se sentait triste en entendant ça ? Ses clients soulignaient régulièrement qu'il avait des traits angéliques, c'était d'ailleurs aussi ça qui faisait une partie de son succès, et ça ne l'avait dérangé. Mais là... Il pensa à sa vie. Non, il était bien loin d'être un ange. Ou alors un ange déchu, sali, souillé par le monde. Il tenait plus du démon, à mentir, leurrer et trahir dans l'ombre des ruelles de l'allée des Embrumes... Il fit cependant attention de ne rien laisser paraître de sa mélancolie passagère sur son visage et sourit à son interlocuteur.

-Merci. Mais tu sais, Satan aussi avait un visage angélique avant de finir maître des enfers...

Les mots étaient sortis sans qu'il ne puisse les retenir. Pourquoi ne s'était-il pas arrêté au merci ? Ça ne lui ressemblait pas ! Pourquoi avait-il dit ça ? Il n'aimait pas parler de tout ce qui pourrait plus ou moins dénoncer ce qu'il était, et voilà qu'il se mettait à raconter n'importe quoi à un inconnu ? Pourquoi ?! Parce qu'il se sentait bien avec lui ? Parce qu'il avait envie de se réfugier dans ses bras ? Gavriil se figea imperceptiblement. Il avait envie de l'embrasser... Et de se blottir contre lui. Décidément... Quelque chose n'allait pas avec lui. Il se sentait confus. Il ne comprenait pas. Qu'est ce que c'était, cette attirance ? Manque de sexe ? Certainement pas. Pour lui, le sexe c'était le travail. Il n'en manquait jamais parce qu'il n'en avait jamais envie. A part en de très rare exceptions.

Il fut coupé dans ses réflexions par la voix de Sendre qui parlait de sa patronne. Bizarrement dès qu'il se mettait à parler, le russe en oubliait tout le reste.

Il eut un petit rire.

-Mais non ! Elle tient trop à moi pour me coller des ennuis sur le dos. Et puis y'a pas grand monde, elle a pas besoin de moi. Au pire elle me boudera.

Ou elle le chatouillerait. Depuis qu'elle connaissait ses points faibles, elle ne s'en privait pas. Bah, il se ferait pardonner. En temps normal, en voyant le regard courroucé qu'elle lui lançait, il serait allé la rejoindre en riant. Mais là... Il n'avait pas envie de bouger. Il s'excuserait auprès d'elle, mais pour le moment... Il ne souhaitait pas casser cet instant.

Les doigts de la jolie blonde sur son torse le firent frissonner, mais il trouva cette sensation fort agréable et il n'avait pas très envie qu'elle les enlève. Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin et Gabrielle finit par retirer ses doigts sur de ses abdominaux. Dommage, pensa-t-il bien qu'il lui adressa un sourire amusé en entendant son commentaire. Un sortilège, c'était bien la première fois qu'on lui faisait une telle remarque ! Voilà qui était original et qui l'amusait. Décidément, la demoiselle sortait de l'ordinaire et ça lui plaisait énormément. Elle préférait ses yeux à son torse ? Voilà qui le surprit encore plus ! Il était rare qu'il croise des demoiselles – surtout de son âge – qui s'attardaient plus sur ses yeux que sur ses muscles, mais il trouvait ça agréable et reposant. Très reposant même de pouvoir d'autre chose que de sa carrière de Quidditch. D'ailleurs, Gabrielle ne semblait pas savoir ce qu'il était l'attrapeur officiel de l'équipe d'Angleterre, mais bon, il n'allait pas s'en plaindre. C'était agréable d'être un peu de retour à l'anonymat et d'être apprécier pour lui-même et non pas pour son statut de célébrité sportive. Non vraiment, il aurait adoré être joueur de Quidditch professionnel mais rester anonyme et ne pas rencontrer la gloire, mais évidemment, ce n'était pas possible alors il ne s'en plaignait pas.

- Tu es bien la première à préféré mes yeux à mon torse mais, pour tout te dire, moi aussi je préfère mes yeux. Ils ont au moins l'avantage d'être unique, tout comme les tiens, alors que n'importe qui peut se muscler s'il s'en donne les moyens.

Il s'était approché d'elle pour lui dire ça, après avoir laissé retomber son haut, comme s'il lui faisait part d'un secret et il profita de cette proximité pour remettre une mèches de cheveux blonds derrière l'oreille de la charmante demoiselle. Comme il se l'était imaginé, elle avait des cheveux doux et agréable au touché et il était prêt à parier qu'il en était de même pour sa peau. Mais bon, il n'allait pas en avoir la confirmation maintenant et il ne comptait pas lui demander la permission de la toucher. Du coup, il se réinstalla normalement et sirota un peu son cocktail, qui était vraiment délicieux en fin de compte. Bon, c'était une entorse au régime alimentaire qu'il se fixait mais il se rattraperait le lendemain en allant courir avec Fluffy. D'autant plus que sa petite boule de poil bien aimé adorait courir avec lui, ce n'était pas pour rien qu'il l'emmenait tous les matins et qu'il s'arrêtait dans un parc pour jouer un peu avec lui. Il avait beau vivre seul – alors qu'il préférait avoir de la compagnie – grâce à son chien, il ne souffrait jamais de solitude.

Il ne put s'empêcher de froncer les sourcils quand il vit la réaction de la blonde quand il lui fit remarque qu'elle avait un visage d'ange. Ajouté à cela sa réponse et il n'en fallut pas plus pour être encore plus intrigué par Gabrielle. Que cachait elle donc de si horrible pour qu'elle se compare à Satan ? Il n'était pas naïf, il savait bien qu'aucun n'être humain n'était profondément gentil – sauf peut être le bisounours qui tenait Fortarôme – et qu'ils commettaient tous des erreurs une fois arrivé à l'âge adulte – quand ce n'était pas plus tôt – mais c'était ce qui les faisait avancer. C'était dans leur nature de tomber pour mieux se relever après. Certes certaines personnes n'arrivaient pas à retrouver le droit chemin ou était foncièrement mauvaises, mais c'était tout de même rare et Sendre sentait au plus profond de lui que ce n'était pas le cas de la jolie blonde. Peut être s'était elle juste égarée en route et avait elle besoin qu'on lui prenne la main pour lui montrer où aller.

- Comme le disait Oscar Wilde : « Tous les saints ont un passé et tous les pêcheurs ont un avenir ». Ce qui compte, c'est pas ce que tu as pu faire par le passé ou ce que tu fais aujourd'hui, mais ce que tu comptes faire de ton avenir. Ce n'est pas parce que Satan avait aussi un visage d'ange que tu finiras en enfer toi aussi, tu ne crois pas ?

Bon, il n'était pas prêt à parier que Gabrielle connaître Oscar Wilde, après tout, il s'agissait d'un célèbre auteur, mais il était moldu. Enfin bon, toujours était il que Sendre appréciait beaucoup certaines de ses œuvres et puis, si ça pouvait éclairer la jolie blonde, ce serait toujours ça de pris.

Il ne put s'empêcher de rire quand il entendit que la patronne du Helly Heaven tenait trop à Gabrielle pour la renvoyer parce qu'elle discutait avec lui. Tant mieux, il ne voulait pas être à l'origine d'hypothétique problème pour la demoiselle. D'autant plus qu'il appréciait sa compagnie et qu'il avait bien envie de rester un peu avec elle. Ce n'était pas tous les jours qu'on rencontrait une fille pareille et Sendre avait envie d'en apprendre d'avantage sur elle.

- Tant mieux, dans ce cas... Je peux t'offrir un verre ? Bon ce n'est sans doute pas très original mais étant donné qu'on est dans un bar, j'aurais du mal à t'offrir une crème glacée ou un fraisier ! Ajouta-t-il avec un léger rire amusé. Et puis, tu es supposée travailler, je ne veux pas t'enlever à ton lieux de travail, ça serait mal vu.

Et l'avantage non négligeable de ce bar était qu'en effet, il y avait peu de monde et donc qu'il pouvait passer un bon moment à se détendre avec elle sans qu'il ne soit assailli par des fans qui voulait lui parler. C'était pour ça qu'il avait choisi de vivre dans une maison isolée du monde moldu. D'ailleurs, généralement c'était dans son univers d'origine qu'il sortait le soir, mais ce soir là, il avait ressenti le besoin d'être en contact avec la magie et il devait avouer que, pour une fois, les regards admirateurs qu'il avait croisé en venant lui avait remonté le moral après le discours de son entraîneur qui n'avait fait que les rabaisser.

**Gavriil A. Ivanovski** *sorcier(e)* ϟ PARCHEMINS : 223

Gavriil se sentait tout chose. Il avait comme des papillons dans l'estomac, c'était une sensation très étrange. La peau qui glissait sous ses doigts était lisse et sans défaut, contrairement à celles qu'il avait l'habitude de voir en général. Elle était finement tendue sur des muscles ciselés à la perfection, et le russe se pencha un peu pour les observer. Il avait la curieuse envie d'aller embrasser cette surface douce comme le velours. Troublé, il retira sa main avant de releva les yeux vers lui en l'entendant parler.

Il le dévisagea, surpris de sa remarque. Oui, en effet, ses propos étaient vrais... Mais pour affirmer ça, il fallait avoir un mode de pensée particulier. Sendre avait une vision d'une monde que le blond n'avait jamais vu chez personne d'autre. Ce qu'il disait était d'une justesse étonnante, c'était des vérités simples, mais tellement pertinentes. Son point de vue différait tellement du sien ! Il était concis rationnel, mais avec un côté si positif que ça mettait de bonne humeur. Gavriil n'avait jamais rencontré de personne comme lui auparavant. Lui qui voyait sans cesse le mauvais côté des choses avait l'impression de découvrir un monde dont il n'avait même jamais soupçonné l'existence. Comme si jusqu'à présent, il avait été enfermé dans une boite, et que le couvercle venait tout juste de s'ouvrir brusquement, comme ça, d'un coup. Mais oui, effectivement, il comprenait ce qu'il voulait dire. Et il était totalement d'accord. Ses yeux avaient réellement beaucoup plus de valeur que son ventre.

Il esquissa un sourire amusé. En ce qui concernait l'unicité de ses yeux à lui en revanche, il se trompait. Après tout, il y avait toute une famille -nombreuse de surcroît- qui possédait exactement les mêmes. Mais ça, il ne pouvait pas le deviner, le pauvre. D'ailleurs il se garda bien de le lui annoncer. Il préférait le laisser croire qu'ils étaient unique. Il ne savait pas pourquoi, il avait envie que le sportif se souvienne de lui. Qu'il le marque. Il voulait lui apparaître sous son meilleur jour, et mériter son estime. Pourtant d'habitude il se moquait éperdument de l'avis des autres... Là, étrangement, penser que Sendre l'oublie, se mette à le détester ou à le trouver répugnant lui faisait l'effet de milliers d'aiguilles s'enfonçant dans chaque pore de sa peau. Alors que lorsqu'il voyait le jeune rire ou sourire... Son cœur s'emballait et une douce chaleur se répandait en lui. Il aurait aimé rester ainsi pour toujours... Il se sentait tellement bien près de lui. Il avait l'impression que rien ne pouvait lui arriver. Lui qui ne se sentait en sécurité nul part, il lui semblait qu'à ses côtés, tout ne pouvait qu'aller bien.

Le russe ignorait s'il reverrait le sportif, mais il se fit intérieurement la promesse de tout faire qu'ils puissent se revoir, et surtout, de ne jamais faire quoi que ce soit qui pourrait l'éloigner de lui. Il ne voulait pas le perdre. Il ne savait pas pourquoi, mais il ne voulait pas le perdre. C'était comme ça et il ne chercha pas à s'interroger davantage sur l'origine de ce sentiment. Il sentait qu'il ne voulait pas connaître la réponse. Il y avait comme ça des vérités qu'il fuyait. Des vérités qu'il n'était pas prêt à entendre. Peut-être qu'un jour il aurait la force d'affronter toutes ses peurs et de cesser de se cacher, mais pour l'instant... Même si grâce à Eden, ses jambes le portaient mieux, il restait encore hésitant et faible.

Il haussa un sourcil surpris. Oscar Wilde ? Il ignorait que les sorciers connaissaient ce nom... Sendre devait-être né-moldu ou sang-mêlé pour citer cet écrivain. Quoique, lui-même n'était ni l'un ni l'autre et il avait lu ses livres. Il eut un sourire nostalgique. Oscar Wilde, c'était cet auteur qui lui avait appris l'anglais. Dans la petite librairie où il avait passé du temps, plus jeune, lorsqu'il était encore en Russie, le vieux propriétaire lui avait conseillé ses œuvres. Mais il n'en possédait pas écrites en russe. A la base, c'était pour pouvoir lire davantage qu'il commencé à déchiffrer cette langue. Et c'était sur les romans de cet homme célèbre qu'il avait appris l'alphabet, la grammaire, la conjugaison et toute la langue anglaise. D'ailleurs au début il utilisait un anglais dépassé à cause de ça. Mais au moins il avait acquit un vaste vocabulaire.

-C'est vrai, mais Oscar Wilde dit aussi « Il n'y a que les esprits légers pour ne pas juger sur les apparences. Le vrai mystère du monde est le visible, et non l'invisible », répondit-il avec un sourire amusé.

Pas qu'il pense que Sendre était un esprit léger, bien au contraire. En réalité c'était surtout la deuxième partie de la citation qui l'intéressait. Il était content de constater que le jeune homme avait les mêmes goûts que lui, et en plus il était touché par ses paroles. Il avait presque envie d'y croire... Mais il ne devait pas se bercer d'illusions. On était sur terre ici, pas au paradis, et sur terre, la réalité est dure... Il reprit avec un air énigmatique :

-Et puis, qui te dit que je parlais de moi ?

Après tout il n'avait nul part précisé qu'il se désignait avec cette phrase. Il aurait très bien pu sous entendre que Satan c'était justement son interlocuteur ! Il avait plus une tête d'ange que lui...
Il rigola.

-Ne t'inquiète pas, un verre ça me va très bien. Je ne suis pas très glaces.

Il aimait bien le sucré, mais les glaces... Bof. Il avait découvert ça en arrivant à Londres et il n'avait jamais accroché. C'était trop froid et ça avait une consistance bizarre. A chaque fois qu'il en goûtait, il avait l'impression qu'on plongeait son estomac dans un sachet de glaçons et il trouvait ça très désagréable.

Il se tourna vers Eden et attira son attention en claquant des mains.

-Patronne ! Appela-t-il avec un sourire insolent. Une vodka cerise s'il-vous-plaît !

Effectivement, ce n'était pas très professionnel de sa part, mais il ne faisait ça que très rarement voir quasiment jamais, et puis si elle lui tirait les oreilles, il répondrait que c'était pour toutes ses heures de bénévolat. Après tout, il faisait trop d'heures supplémentaires. Bon, il aimait ça, alors ce n'était pas correct de dire l'inverse, mais il lui fallait bien un excuse...

La sourire nostalgique qu'afficha Gabrielle lorsqu'il évoqua Oscar Wilde intrigua Sendre. Avait elle aussi de bons souvenirs liés à cet écrivain ? Pour sa part, c'était sa mère qui lui avait fait découvrir ces ouvrages. Quand ses parents s'étaient séparés, il était tombé malade et, pour lui tenir compagnie, sa mère avait passé de longues heures à lui lire les écrits d'Oscar Wilde. C'était peut être pour cette raison qu'il appréciait autant cet auteur. La réponse de la blonde à sa citation de cet auteur moldu le surpris énormément. Et bien, elle avait de la réparti, c'était le moins que l'on puisse dire ! L'attrapeur ne put s'empêcher de sourire en l'entendant. Elle n'avait pas tout à fait tort, il devait le reconnaître. Les apparences faisaient beaucoup, surtout dans leur monde et à l'époque actuelle, mais elles pouvaient être trompeuses, énormément trompeuses. On pouvait se donner l'allure qu'on voulait, et pour peu qu'on soit bon acteur, l'attitude qui allait avec, mais ça ne changeait rien à ce qu'on était à l'intérieur. Sur ce point, le sportif n'était pas tout à fait d'accord avec le célèbre écrivain moldu. C'était, au contraire, les esprits légers qui ne jugeaient que sur l'apparence, et non ceux qui se souciaient de l'invisible.

- C'est vrai, les apparences ont une certaine importance, mais elles ne font pas tout. N'importe qui peut se faire passer pour ce qu'il veut. Mais à ne s'attarder que sur les apparences, on finit forcément par être déçu parce que ce n'est pas ce qui compte. Tu n'achèterais pas une maison parce qu'elle a une belle façade sans savoir comment est l'intérieur non ? Avec les êtres humains c'est pareil, ce n'est pas parce qu'ils ont l'air gentils qu'ils le sont forcément. Au final, ce qui prime le plus ce n'est pas notre passé ou notre allure, mais la manière dont on prévoit notre avenir.

Il haussa un sourcil quand elle lui demanda ce qui lui faisait dire qu'elle parlait d'elle quand elle évoquait Satan et ses traits angélique. Son intuition le lui soufflait, et le comportement de la jolie blonde aussi, mais il ne pouvait guère lui répondre ça. Visiblement la demoiselle aimait les réponses construites alors que lui préférait les simples, mais il avait de quoi les mettre d'accord.

- Quand je t'ai dit que tu as un visage d'ange, tu m'as répondu que Satan aussi avait un visage angélique avant de finir en enfer. Ce qui sous entendait que tu parlais de toi, mais si ce n'était pas le cas, j'espère que je ne t'ai pas offensé.

Le tout avec le sourire parce que, malgré tout, la situation l'amusait quelque peu. Raison pour laquelle il proposa de lui offrir un verre et il ne put s'empêcher d'être heureux quand elle accepta. Si lui était heureux, ce ne fut pas le cas de la propriétaire du Helly Heaven quand elle se fit apostropher par sa serveuse. Avec un sourire qui n'annonçait rien de bon, elle passa de l'autre côté du comptoir et se dirigea vers Gabrielle sans la quitter des yeux. Une fois arrivée à leur hauteur, elle posa le verre devant la blonde.

- Mais avec plaisir mon petit loukoum ! Lui dit elle avec un grand sourire tout en lui écrasant discrètement le pied sous la table avant de se tourner vers Sendre. J'espère que vous passez une bonne soirée monsieur Beehive ?
- Délicieuse, lui répondit il avec un sourire.

Suite à quoi ils se retrouvèrent de nouveau seuls, ou plutôt aussi seuls qu'on pouvait l'être dans un bar. Sendre regarda la patronne de Gabrielle s'éloigner avant de reporter son attention sur la jolie blonde qui l'intriguait de plus en plus.

- Tu sembles avoir une relation particulière avec ta patronne, ne put il s'empêcher de faire remarquer.

Oui, décidément, la jolie Gabrielle était une femme pleine de mystères. Même si son comportement avait été insolent envers la propriétaire des lieux, il avait lu, dans le regard de la brune, de la tendresse à l'égard de la jeune fille et c'était bien ce qui l'intéressait le plus. Visiblement, il avait raison quand il pensait que la demoiselle était quelqu'un de bien, qui s'était peut être juste égaré en route. Une chose était sûre en tout cas, elle attirait la sympathie.

**Gavriil A. Ivanovski** *sorcier(e)* ϟ PARCHEMINS : 223

Trick or Treat

Gavriil eut un sourire amusé. Il n'avait pas résisté au plaisir de répondre par une autre citation d'Oscar Wilde. Pas qu'il soit réellement d'accord avec, mais... C'était surtout pour lui montrer que lui aussi connaissait. Et par curiosité. Il était intrigué quand à la réaction qu'il aurait. La plupart des gens l'envoyaient sur les roses quand il commençait à avoir un niveau de conversation plus élevé, aussi ne pouvait il jamais philosopher alors qu'il adorait avoir le point de vue des autres sur certaines questions. Il aimait confronter deux opinions différentes, et réfléchir. Mais il n'en avait jamais l'occasion. La seule personne avec qui il pouvait, c'était Natasha, malheureusement elle se lassait assez rapidement. Après... Il y avait Eden, mais avec Eden, il ne le faisait pas. Ce n'était pas comme ça entre eux. C'était différents. Et puis, tous les deux avaient la même vision du monde. Bien sûr il lui arrivait de lui poser des colles juste pour le plaisir de la voir se torturer l'esprit, mais... Non, ce n'était pas pareil.

Pendant un instant, il eu peur d'avoir été trop loin. Et si Sendre décidait qu'il était ennuyeux, comme tant d'autres avant lui ? Son ventre se noua. Non... Il avait simplement voulu lui montrer qu'il était vif d'esprit... Il avait espéré l'impressionner un peu, tout simplement... Aussi fut-il soulagé lorsque le beau sportif ouvrit la bouche et écouta-t-il sa réponse avec intérêt, un sourire heureux aux lèvres.

Le russe n'était pas trop d'accord avec ce qu'affirmait son interlocuteur. Pour lui, l'apparence jouait beaucoup. Si vous croiser quelqu'un pour la première en habit de clochard, vous aurez beau le recroiser plus tard en costard, dans sa tête, vous serez toujours un homme des rues. Et puis, les gens vous définisse en fonction de l'apparence. Seul peu de personnes arrivaient à faire abstraction de ça... De toutes évidences, Sendre en faisait parti.

Son sang se glaça légèrement dans ses veines. Il semblait clairvoyant... Gavriil s'était pris au jeu des questions, il avait trop tendance à être naturel avec lui. Et s'il devinait quelque chose ? S'il arrivait, par il ne savait quel hasard, à lire en lui ? Non... Le blond était un bon acteur. Il ne pourrait pas deviner... Et puis, comment pourrait-il ne serait-ce qu'imaginer l'étendue des ténèbres qui rongeaient peu à peu le jeune homme ? Lui-même n'arrivait pas à évaluer leur profondeur. Tout ce qu'il savait, c'étaient qu'elles avaient gagnées un bon morceau de terrain depuis qu'il avait décidé d'effectuer la vengeance d'Eden à sa place. Et qu'il sortait la nuit, pour chercher des renseignements.

Il chassa ces pensées, prenait bien soin de ne rien laisser paraître. Il prit le temps d'assimiler ses paroles avant de répondre avec un sourire joueur :

-C'est vrai. Mais... Ce n'est pas comme ça qu'on est jugé. Parce que la façon dont on conçoit notre avenir, personne ne peut le savoir...

Le russe avait du mal à détacher son regard des prunelles bleu ciel de Sendre. Il avait l'impression de se noyer dedans tant il avait plus de mal à respirer quand il les contemplait. C'était étrange. Comme si on lui retournait l'estomac. Il se sentait un peu confus, lui qui d'ordinaire était toujours maître de lui-même en toute situation... Peut-être était-il un peu malade...

Son trouble s'accentua lorsqu'il lui demanda s'il ne l'avait pas offensé. Il trouvait qu'il faisait bizarrement dans la pièce et il lui fallu quelques secondes pour comprendre qu'il était en train de rougir. Alors là, il ne comprenait plus rien. Il devait être définitivement malade. Lui, rougir ? Laisser son corps le trahir de la sorte ? Et puis rougir pour quoi ? Parce que cette petite attention montrait qu'il se souciait de lui alors qu'il ne le connaissait pas ? C'était ridicule... Il avait sûrement dit ça par politesse.... Pourtant il était certain que non. Cet homme était bon de nature... Mais c'était quand même ridicule. Ça ne montrait rien... ça ne voulait pas dire qu'il tenait à lui, il devait être comme ça avec tout le monde... Et puis aurait-il pu s'attacher à un inconnu en seulement quelques minutes ?!

Il ressentit un inexplicable pincement au cœur à cette pensée. Idiot, idiot, idiot ! Ne le laisse pas remarquer que tu es troublé... Il va te trouver bizarre ! Pensa-t-il. Mais il était toujours rouge et n'arrivait pas à arrêter ça. Gêné, il détourna son regard sur le côté, essayant de masquer sa confusion.

-Non non, pas du tout... Assura-t-il avec une voix qui s'était voulu calme mais qui sonnait un peu plus fébrile qu'il ne l'aurait souhaité.

Mais pourquoi ?! Quel imbécile ! Il allait tout gâcher ! Pour une fois qu'il se sentait à sa place près de quelqu'un !! ça lui donnait presque envie de pleurer... Il se trouvait minable...

Fort heureusement, l'arrivée de sa patronne vint lui éclaircir un peu les idées. Il lui fur presque reconnaissant qu'elle lui écrase le pieds, cela lui permit de mettre ses pensées de côté le temps nécessaire pour reprendre un semblant de contenance. Il n'eut même pas le réflexe de sourire insolemment à la brune ou de lui répondre. Décidément, quelque chose n'allait pas avec lui...

Il secoua la tête. Se concentrer sur le présent, c'était le principal. Beehive, avait dit Eden. Il était certain d'avoir entendu le nom quelque part. Il réfléchit. Dans une mémoire, tout, absolument tout est stocké. Les choses dont on ne se souvient plus sont tout de même quelque part, elles sont juste enfouies sous d'autres souvenirs. Il suffisait de trouver le bon chemin, et Gavriil était assez doué pour ça. Il ne lui fallu pas bien longtemps pour se rappeler d'une scène qui s'était déroulée plusieurs mois auparavant. Il venait de faire remarquer à Natasha que le vol, c'était mal, et elle râlait en affirmant que pour un magazine, le monde n'allait pas s'arrêter de tourner. « Et puis c'est juste un magazine sur Sendre Beehive, pas Sendre lui-même ! Je comprendrais que ce soit mal si je le volais lui, mais là c'est que du papier ! » avait-elle dit. La première page de son butin montrait un bel homme sur un balais, en tenue d'attrapeur, et affichait en gros titre « Sendre Beehive, la nouvelle idole idole féminine ? ». C'était donc ça...

Il fut tiré de ses réflexions par ledit attrapeur -il savait bien qu'il était sportif!- qui lui fit une remarque qui l'amusa. Particulière ? Il ne croyait pas si bien dire... Il serait curieux de savoir quelle tête il ferait s'il lui annonçait qu'ils avaient déjà fait l'amour sur le comptoir du bar. Mais bon, il était absolument hors de question qu'il lui dise. D'abord parce qu'il ne voulait pas qu'il le mette dans la catégorie « femme pas pour moi » et ensuite parce qu'il ne souhaitait pas qu'il sache que c'était une « fille facile ». Déjà qu'il n'était pas fier de ce qu'il faisait, à l'idée que son interlocuteur l'apprenne, une honte atroce lui rongeait les os. Alors que d'habitude ça ne le dérangeait pas plus que ça...

-Oui, c'est vrai, acquiesça-t-il avec un air mystérieux.

Et ce regard ! Pourquoi fallait-il qu'il ait ce regard qui le troublait tant ? Il était... Il se sentait tellement étrange, comme s'il devenait quelqu'un d'autre ! Comme si ses prunelles bleues lisaient dans son esprit et décryptaient son âme. Il se sentait mis à nu. A quoi pensait-il ? Cette question l'obsédait. Derrière ses jolis yeux, que se passait-il ? Que voyait-il en la femme qui lui faisait face ? Que voyait-il tout court ? Qui était-il ? Il avait envie de le connaître, de le connaître assez pour deviner la moindre de ses pensées.

-A quoi ressemble le monde au travers de tes yeux ?

La question avait fusé. Il ne l'avait pas vu venir, n'avait pas pu la retenir. Il lui fallu même un instant pour se rendre compte que c'était lui qui avait parlé. Et voilà qu'il rougissait encore ! Mais arrête ! Arrête ça ! Pourquoi sa température corporelle devait elle augmenter comme ça sans prévenir ?! Pour quoi devait il passer lui, maintenant ? Surtout que sa question était étrange... Il allait se faire des fausses idées...

Les sourires de Gabrielle avaient quelque chose de merveilleux et d'envoûtant. À travers ses sourires, elle pouvait faire passer une multitude d'émotions : l'amusement, la joie et beaucoup d'autres, il était prêt à le parier. Son petit sourire joueur était particulièrement adorable et il ne put s'empêcher de lui sourire en retour. Un petit rire amusé lui échappa même, elle avait raison, personne ne pouvait juger qui que ce soit sur la façon dont il concevait son avenir. Ou plutôt presque personne, mais c'était tout de même ce qui importait le plus. Non décidément, Gabrielle lui plaisait beaucoup, énormément même. La demoiselle avait quelque chose qui l'intriguait, qui le fascinait même, bien qu'il n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Il avait envie de la revoir, d'apprendre à la connaître et pourquoi pas, devenir ami avec elle. Ou peut être plus. En plus de ça, elle était vraiment belle, avec son visage d'ange et ses lèvres rouges qui semblaient appeler aux baisers. Enfin bon, ce n'était pas le moment de penser à ça.

- Tu te trompes, certaines personnes peuvent juger les autres sur leur façon de voir l'avenir. Les voyants par exemple. Enfin bon, moi je n'en suis pas un alors je me contente d'apprécier le présent et savourer l'instant. Pour ma part, ce qui compte le plus à mes yeux, ce sont nos rêves et ce qu'on est prêt à faire pour les réaliser. D'ailleurs...quel est ton rêve ?

Sendre était réellement intéressé par la réponse, il n'aurait pas posé la question sinon. D'ailleurs, il aurait aimé en savoir plus sur elle, connaître ses rêves, ses goûts, tout ce qui faisait qu'elle était elle même. Enfin bon, il avait encore du temps pour tout ça puisqu'il était bien décidé à la revoir ! Après tout, il savait où elle travaillait donc ce ne serait pas bien compliqué de la revoir. Un petit sourire attendrit naquit sur ses lèvres quand il la vit rougir. Il n'avait pas voulu la gêner, mais le rouge sur ses joues la rendait adorable. Ne pouvait résister, il prit son menton entre ses doigts et alla caresser sa joue du bout du pouce. Merlin qu'elle avait la peau douce ! Il s'était fait la réflexion qu'elle devait avoir la peau douce mais ce n'était rien comparé à la réalité. Elle avait la peau plus douce qu'un nouveau né et il se prit à se demander si elle était aussi douce sur le reste de son corps. Imbécile ! Il méritait des baffes ! Pensa-t-il en retirant sa main de sa joue. Depuis quand pensait il aux femmes de cette manière ! Ça ne lui ressemblait pas du tout de penser d'abord à leur corps avant de penser à ce qu'elles étaient. Non pas que l'esprit de Gabrielle ne l'intéressait pas, il était même fasciné par elle, mais il ne comprenait pas pourquoi il avait envie de l'embrasser, de la caresser, de la voir rougir et s'abandonner à ses caresses.

Heureusement que la propriétaire des lieux était arrivée sinon il aurait sûrement fait une bêtise ! Pour se ressaisir, il prit son verre et termina son cocktail. Voilà, c'était parfait pour le refroidir ! À présent, il ne se demandait plus ce que cacher la robe de la jolie blonde. Il préféra se concentrer sur le comportement de la brune qui les avait rejoint et interrogea Gabrielle sur leur relation une fois qu'elle fut partie. Il ne s'était apparemment pas tromper, elles semblaient avoir une relation particulière et la demoiselle en face de lui le lui confirma avec un air mystérieux qui l'intrigua au plus au point. Quelle était exactement la relation qu'elles entretenaient ? Il n'aurait probablement jamais la réponse mais il s'en moquait, il y avait bien d'autres questions auxquelles il préférait avoir une réponse dans l'immédiat.

Un sursaut de surprise le prit quand il entendit le petit ange en face de lui. Visiblement, il n'était pas le seul à se poser des questions et à vouloir des réponses. D'autant plus que la question de la demoiselle était des plus surprenante. À quoi ressemblait le monde à travers ses yeux ? Voilà une question des plus pointue. Il lui aurait bien répondu qu'il ressemblait à ce qu'elle voyait, mais il savait que c'était faux. Il avait parfaitement conscience que chaque être humain avait une perception du monde différente et qui dépendait de son éducation, son enfance et ses expériences. Ainsi donc, le monde qu'il voyait ne ressemblait en rien au monde que voyait la jolie blonde, mais comment lui décrire ce qu'il voyait ? C'était une tâche bien compliqué qu'il ne pouvait accomplir en une soirée, mais il se fit la promesse d'essayer de lui répondre du mieux qu'il pouvait. Elle méritait néanmoins une réponse et pour cela, il se pencha légèrement vers elle, comme pour lui confier un secret.

- En ce moment le monde se résume à une magnifique jeune femme blonde qui possède un accent adorable... Mais si ça t'intéresse, je tâcherais de te faire découvrir le monde à travers mes yeux, je te le promets, même si je ne suis pas sûr d'y parvenir.

Il était sincère, il comptait vraiment le faire et apprendre à la connaître par la même occasion. C'était une promesse qu'il venait de lui faire, et il tenait toujours ses promesses. Il s'engageait donc à la revoir, mais ça ne le dérangeait pas, il aimait vraiment sa compagnie.

**Gavriil A. Ivanovski** *sorcier(e)* ϟ PARCHEMINS : 223

Trick or Treat

Gavriil leva les yeux au ciel en l'entendant parler de voyants. Forcément, s'il en venait aux exceptions... Mais le monde n'était pas peuplé de voyants ! Et heureusement d'ailleurs. Il n'en avait jamais rencontré, mais il savait pertinemment que si un jour sa route venait à croiser celle d'une telle personne, s'il le savait, il la fuirait comme la peste. Quelqu'un qui peut s'introduire dans votre futur sans même cligner des yeux, qui peut voir ce que vous-même ignoriez... ça le faisait frissonner. Comme les legilimens. Rien qu'à l'idée d'en rencontrer un... Mais bon. Vu le peu de gens qui l'étaient...

Il eut un sourire en l'entendant évoquer sa vision des choses. Oui, apprécier le présent, ça lui allait bien. Il semblait du genre simple, à ne pas se prendre la tête pour rien. Tout le contraire de lui.

D'ailleurs ça paraissait presque inconcevable que deux personnes comme eux, si différentes, que rien ne reliaient, puissent se parler, comme ça, tranquillement... Ca lui faisait penser à deux monde parallèles reliés par une brèche spatio-temporelle. Mais les brèches ne duraient pas. Un jour, Sendre repartirait dans son univers...

Sa dernière phrase le fit interrompre brusquement ses pensées. Il leva les yeux vers lui, décontenancé par sa question. Quoi ? Son rêve ? « Etre normal » fut la première chose qui lui traversa l'esprit. Mais c'était impossible. « Vivre sans contraintes » mais c'était impossible aussi. Tout le monde avait des contraintes... Non ce qu'il aimerait... C'était quelque chose de très égoïste... Il rêvait d'avoir près de lui une personne qui le considérerait comme un trésor, quelqu'un qui ne vivrait que pour lui. Bien sûr il y avait Eden. Sans elle il serait mort. Mais ce qu'il voulait c'était quelqu'un à aimer... Et surtout quelqu'un auprès de qui s'abandonner. Une personne qui n'attendrait rien en retour, qui serait là pour lui, et juste pour lui... Mais là aussi, il ne se faisait pas d'illusions. Le blond ne pensait pas à l'amour. L'amour, ça finit toujours mal de toutes façons. Il avait lu assez de tragédies classiques pour le savoir... Et puis même. Même sans ça... Gavriil était intimement convaincu qu'il ne pouvait pas tomber amoureux. Il avait le cœur trop sale pour connaître un sentiment si pur...

Son rêve... Quel était son rêve ? Que sa famille aille bien. Et sinon... C'était stupide mais... Avoir un manteau de fourrures. Il se sentit idiot. Il ne pouvait tout de même pas lui dire ça ! Mais tous ses rêves étaient invraisemblables et déraisonnables... Que pouvait-il bien lui répondre ? Il n'avait pas envie de lui mentir... C'était étrange... C'était la première qu'il rechignait à mentir à ce point. Même à sa famille, il avait beau ne pas aimer, ça ne le dérangeait pas autant... Mais là... Il avait peur de trop lui dévoiler, de se laisser aller à cette sérénité qu'il dégageait et à tout lui dire. Il craignait plus que tout de révéler ses secrets, sa noirceur. Il ne voulait pas le salir avec ses mains sales... Il ne méritait pas ça... Et puis... Il avait peur, si peur d'être rejeté !

Fixant son verre sans savoir quoi répondre, le cœur du russe battait à toute allure. Pourquoi cette question ? Est ce que ça l'intéressait réellement ? Mais ce n'était pas une chose très courante dans les conversations ! Normal, il n'était pas courant lui-même... Sendre était différent de tout, de tout le monde, de tout ce qui existait. C'est pour ça qu'il le perturbait. Qu'il chamboulait tout en lui, jusqu'à son cœur, pourtant solidement protégé.

-Être normal... Souffla-t-il d'une petite voix sans quitter son verre des yeux.

Et voilà. Ça recommençait. Il n'avait pas voulu dire ça ! Il cessa de respirer. Non. Non. Il ne fallait pas qu'il sache. Il ne fallait pas qu'il sache ! Horrifié, il était si paniqué qu'il restait figé. Non. Il voulait rester encore avec lui, parler, le connaître ! Il ne fallait pas que ça se termine comme ça ! Il ne voulait pas ! Il ne voulait pas être laissé derrière... Il leva les yeux vers lui. Ne m'abandonne pas... S'il te plaît, promets le comme Eden...

Il inspira une bouffée d'air. Mais à quoi pensait-il ?! Avait il été ensorcelé ? Non, quand même pas... Il ne comprenait rien, il était confus, incapable de réfléchir correctement... Il ne connaissait cet homme que depuis quelques minutes, ça n'avait aucun sens... Pourquoi cette crainte ? Pourquoi cette angoisse ? Son départ ne devrait lui faire ni chaud ni froid... Il devrait simplement l'accepter, avec le détachement dont il faisait preuve en toute circonstance lorsqu'il s'agissait d'inconnus... Pourquoi n'y parvenait-il pas ? Pire, pourquoi avait il envie qu'il reste ? Qu'il le revoie ? Envie de se blottir dans ses bras ? Il lui semblait que contre lui... Il serait en sécurité... Il ne savait pas l'expliquer, mais son torse avait l'air de lui clamer « viens, et tu n'auras plus jamais froid... »

Il rougit à la remarque de l'attrapeur. Lui, offensé ? Ça ne préoccupait personne d'habitude, de savoir ce qu'il pensait... Ou du moins personne à part son proche entourage. Troublé par cette phrase, il crut défaillir lorsqu'il sentit une main se poser sur sa joue. Merlin ! Son cœur rata un battement et il en oublia même de respirer. Ce simple contact fit tanguer le bar autour d'eux. Il avait tellement chaud au visage qu'il avait l'impression que sa tête allait exploser. Il ne comptait plus le nombre de personnes qui avaient effleuré sa joue, mais jamais, jamais de sa vie quelqu'un ne l'avait touché ainsi, avec douceur et précaution, comme s'il avait été fait de porcelaine. Il avait des doigts de sportifs, grands et puissants, musclés comme le reste du corps et pourtant... Ils étaient d'une délicatesse infinie. Gavriil se sentit fondre. Comme liquéfié. Il ne parvenait plus à bouger, fixant l'homme en face de lui avec confusion et stupeur. Mais comment faisait-il ?! Comment faisait-il pour le désarçonner à ce point ?!

Finalement, il s'éloigna et retira sa main de sa joue, laissant sur sa peau un sensation de glace, et dans son cœur, un vide désespéré. Il avait soudainement froid... Non, laisse la. Laisse ta main Sendre... C'était ridicule. Il devait se reprendre. Depuis quand voulait-il quémander un simple contact quand toucher les autres le répugnait... Pour se donner contenance, il avala d'une traite le contenu de son verre, avant de se dire qu'il allait passer pour une ivrogne. Quel imbécile ! Il aurait pu boire plus lentement...

Lorsque, pour la deuxième fois de la soirée, les mots lui échappèrent sans qu'il ne puisse les retenir, il se sentit idiot. L'attrapeur allait en avoir marre de lui ! Ou penser qu'il était simple d'esprit ! Aussi lorsqu'il vit qu'il réfléchissait sérieusement à sa question, il ne put s'empêcher d'être un peu surpris. Mais soulagé. Et heureux. Qu'il le prenne au sérieux. Ma plupart des gens auraient pensé qu'il se moquait d'eux, ou qu'il demandait ça comme ça. Mais il était réellement curieux et voulait vraiment connaître sa réponse. Il voulait tout savoir de lui. Comment pensait un homme comme lui ? Qu'aimait-il ? Il était si différent de ceux qu'il côtoyait...

Une douce chaleur l'envahi lorsqu'il entendit sa première phrase et il lui adressa un sourire timide. Qui se transforma en un en vrai sourire, un beau, un sourire comme il n'en avait plus fait depuis longtemps au son de sa promesse. Ça signifiait qu'il acceptait de le revoir... C'était étrange comme ce simple serment l'emplissait de joie. Il se sentait léger, et avait envie de rire. Il trouvait son accent adorable ! Et il avait accepté de lui faire partager son monde ! Gavriil avait terriblement envie de se blottir dans ses bras et d'y rester.

-Bien sûr que ça m'intéresse... Sinon je t'aurais pas posé la question... Murmura-t-il, les joues roses de plaisir.

Il était persuade que son univers n'était semblable à nul autre. Qu'il était vif et plein de couleurs, qu'il faisait bon y vivre avec lui. Il avait l'impression que s'il pouvait avoir n'était-ce qu'un seul aperçu de ce monde, il serait heureux...

Être normal. Voilà bien une réponse à laquelle Sendre ne s'était pas du tout attendu quand il avait demandé à Gabrielle quel était son rêve. Et une réponse qui le décevait quelque peu sans qu'il ne le montre pour autant. La jolie blonde n'était certes pas « normale » au sens où tout le monde l'entend mais c'était ce qui l'avait attiré ! Il se dégageait d'elle une fragilité telle qu'il avait envie de l'aider et de la garder dans ses bras et pourtant, elle semblait forte et indépendante. Gabrielle était, en quelque sorte, un paradoxe ambulant, mais il aimait ça. Si elle rejoignait les standards de normalité, elle perdrait tout ça, elle deviendrait l'une de ses filles banales et interchangeables qui n'avaient aucune conversation et qui étaient plus idiotes qu'une bande de verracrasses à moitié mort ! Lui, il aimait parler avec elle et trouvait qu'elle avait une conversation intéressante. Il aimait les questions qu'elle lui posait et qui le faisait réfléchir. Il aimait ses sourires aux multiples facettes qui étaient si différents de ceux de ces filles stupides qui avaient un sourire qui se voulait enjôleur mais qui était, au final, juste faux. Gabrielle était une belle femme, qui lui faisait penser aux poupées de porcelaine de sa mère, belle, la peau lisse, de grands yeux envoûtants, un sourire adorable, l'air fragile et qu'on a envie de manipuler avec précaution alors qu'elles étaient plus solides qu'elles n'en avaient l'air. Oui, Gabrielle était semblable à une poupée en porcelaine, une magnifique poupée d'ailleurs.

- La normalité...c'est ennuyant tu sais ? On gagne bien plus à se dégager du lot, crois moi. Et puis, il n'y a aucune mauvaise façon de ne « pas être normal » je te trouve exceptionnelle telle que tu es et j'espère que tu ne deviendras pas normal, sinon tu perdrais tout ce qui fait ton charme.

Il n'aurait pas su expliquer pourquoi il refusait à ce point que la jolie blonde ne perde de son charme, après tout si elle voulait être normale, il devrait plutôt l'encourager sur cette voix mais, il la trouvait tellement fascinante ainsi qu'il avait l'impression que ce serait un crime que de perdre tout ça. Elle était tellement adorable et attachante ainsi ! Non vraiment, la normalité n'était pas faite pour la charmante demoiselle qui lui faisait face.

Il était surpris de la voir rougir – et de voir la rougeur de ses joues s'accentuer sous ses doigts – mais il trouvait que ça lui allait bien. Elle était encore plus adorable avec les joues rouges, mais Sendre ne voulant pas la gêner d'avantage finit par ôter sa main de son visage et se rassit normalement. Il vida même son cocktail pour se donner contenance mais aussi pour chasser les visions légèrement érotiques qui lui étaient venues à l'esprit quand il avait caressé sa peau si douce. Mieux valait ne pas penser à ce que cachait cette jolie robe. Ou plutôt, à ce qu'elle cachait d'autre qu'une fiole d'alcool. Il ne doutait pas qu'elle était magnifique nue – d'ailleurs il en était sûr – mais ce n'était ni le lieu ni le moment de penser à ça, mieux valait se changer les idées.

Heureusement, Gabrielle se chargea très bien de le faire penser à autre chose en lui posant une question qui le dérouta quelque peu. À quoi ressemblait le monde à travers ses yeux ? En voilà une question peu conventionnelle mais bon, après lui avoir demandé quel était son rêve, il pouvait bien lui répondre. Sauf qu'il ne savait pas vraiment comment lui répondre, aussi lui promit il de lui faire découvrir son monde. Ce n'était pas grand chose et peut être que ça ne l'aiderait pas à comprendre comment il voyait le monde, mais au moins il s'efforcerait de le lui faire découvrir. Sendre avait l'impression qu'il pourrait passer la nuit à discuter avec la jolie blonde, mais il valait mieux éviter. Déjà parce qu'elle était sensée travailler et qu'il ne voulait pas lui attirer des ennuis et ensuite parce qu'il devait se lever tôt le lendemain et qu'aller à l'entraînement après une nuit blanche était une très – TRES – mauvaise idée. C'était néanmoins difficile de se résigner à partir alors qu'elle avait sur les lèvres le plus beau sourire qu'il lui ait été donné de voir. Étrangement, il avait très envie d'aller l'embrasser mais il préféra s'abstenir, ce serait déplacé et il ne voulait pas la mettre mal à l'aise. À contre cœur, il finit par se résigner à prendre congé auprès de cette charmante demoiselle.

- Dans ce cas, nous nous verrons bientôt pour ce drôle de voyage, lui promit-il avec un adorable sourire, enfin seulement si tu me promets de ne jamais arrêter de me sourire. Tu as un sourire magnifique Gabrielle, et il arrive à lui seul à me rendre heureux...

Bon, ce n'était pas comme ça qu'il allait réussir à partir mais il le pensait vraiment. Elle avait un sourire magnifique et le simple fait de la voir sourire gonflait son cœur de joie. Curieux sentiment, mais il n'avait pas envie de s'attarder dessus. Doucement, il remit une mèche blonde de la demoiselle en place et se pencha vers elle pour l'embrasser sur le front.

- Je crois qu'il est temps pour moi de partir, lui souffla-t-il doucement, j'ai une dure journée qui m'attend demain et je ne veux pas t'empêcher de travailler plus longtemps. Je suis heureux de t'avoir rencontré, grâce à toi j'ai passé une délicieuse soirée. À bientôt Gabrielle...

Après l'avoir embrassé de nouveau sur le front, il se rendit jusqu'au comptoir où il paya leurs boissons puis il se résigna à quitter le bar. Non sans regarder une dernière fois la jolie blonde qui avait égayé sa soirée. Oui, se promit-il, il la reverrait très bientôt.

**Gavriil A. Ivanovski** *sorcier(e)* ϟ PARCHEMINS : 223

Trick or Treat

Gavriil eut un petit sourire triste. Sendre avait l'air étonné de sa réponse, et ce n'était pas surprenant... Il lui disait qu'il valait mieux se détacher du lot, qu'il était très bien comme ça. Son compliment le touchait, et le blessait à la fois. Être normal, c'était peut-être un vœu qui pouvait sembler fade triste aux gens qui l'étaient mais... Pour lui c'était une chimère. Un souhait dans le vent, une lubie. Il ne pourrait jamais l'être. Ce qui le rendait « exceptionnel » aux yeux de l'attrapeur, ce n'était pas lui. Du moins pas entièrement. Ce qu'il était lui échappait. Se prostituer, être... Cette chose... Tout ça faisait parti de lui, mais il n'en voulait pas. Il s'était retrouvé comme ça par la force des choses, certes ça découlait de choix qu'il avait fait, mais il n'avait pas voulu ça. Alors qu'y avait-il de mal à vouloir être normal ? Pour lui la normalité, c'était ennuyant. Mais lui ne parlait pas de la même chose. Il n'avait pas dit qu'il souhaitait se fondre dans la masse. Il y avait tant de définitions possibles du mot « normalité » qu'il aurait du préciser, en effet. Il y avait plusieurs façon de l'être. Lui n'avait pas dit qu'il désirait être comme tout le monde. Juste qu'il voulait être normal.

Il se garda bien de préciser cependant. Parce que ça lui aurait fait comprendre qu'il n'était pas vraiment humain. Pas vraiment comme lui. Et il ne voulait pas qu'il sache... Qu'il ait de lui l'image de la jolie Gabrielle, parfois joyeuse, d'autres mystérieuses, ça ça allait. Qu'il pense à lui comme une belle femme rencontrée dans un bar par hasard, c'était très bien. Ça ne devait pas changer. Ça ne devait pas devenait « Gavriil la créature qui se donne à tous ceux qui le payent... » Parce qu'alors Sendre lui échapperait... Et égoïstement, il voulait le garder encore peu... Rien qu'un peu juste pour lui... Avoir l'illusion que lui aussi avait droit de marcher sous le ciel bleu. Même si c'était faux, avant de retourner dans le brouillard, il souhaitait voir du soleil...

Un soleil comme celui que laissait entrevoir le sportif. Son monde à lui en était rempli, et ça éblouissait le russe... ça l'inondait de douce chaleur comme il n'en avait pas l'habitude. Cet homme était vraiment incroyable... Il ne comprenait pas. Comment pouvait il lui faire si rapidement oublier les enfers pour le paradis ? Son sourire le captivait au point qu'il ne pouvait plus penser à rien d'autre... Il était si franc, si vrai, ça lui faisait presque mal. Savoir qu'ils allaient se revoir... ça lui procurait une douce félicité ! Il ne comprenait pas bien pourquoi quelqu'un comme lui était autorisé à rester avec une personne si brillante, mais... ça lui faisait plaisir.

Il écarquilla les yeux. Lui... Il le rendait heureux ? C'était bien ce qu'il avait dit ? Ses sourires... Rendaient Sendre heureux ? Alors il pouvait vraiment apporter du bonheur à une personne qui n'avait rien en commun avec lui ? Une personne qui était son total opposé ? Pourtant... Il ne faisait rien pour... Ses sourires n'étaient même pas calculés. Il ne pouvait juste pas s'en empêcher... Quand il entendait l'attrapeur lui parler comme ça, il sentait ses lèvres s'étirer malgré lui et tout son visage se détendre. Il se sentait léger, serein. Il avait encore envie de l'écouter, de l'écouter jusqu'à la fin de sa vie. Il se demandait tellement de choses à son sujet. Comment prononcerait-il son prénom s'il le connaissait ? Il avait une façon de dire « Gabrielle » qui ressemblait à une mélodie. « Gabrielle ». Comme un son de clochette. « Gabrielle ». Comme s'il le chantait. Prononcerait-il Gavriil de la même façon ?

Mais il ne put se poser davantage de questions. Sendre déposa ses lèvres sur son front et tout son corps en fut comme paralysé. Il cessa de respirer. Il lui semblait que le moindre geste l'empêcherait de savourer ce contact. Ses lèvres étaient veloutées, chaudes, tendres. Si seulement elles pouvaient venir se déposer sur sa bouche... Et tout aussi soudainement qu'il s'était approché, le jeune homme se recula, laissant le blond avec une impression de froid et de dénuement. En voyant sa main s'approcher de son visage, il ferma les yeux pour apprécier le simple effleurement de leur peau, pour sentir mieux la tiédeur de ses doigts et leur délicatesse. Il était si bien...

Mais les bonnes choses ne durent jamais. La nouvelle tomba et il parut au russe qu'on le plongeait dans une bassine pleine de glaçons. Partir... Il n'entendit même pas le reste. Partir... Là ? Maintenant ? Si vite ? Oui évidemment... Il fallait bien qu'il parte un jour, il ne pouvait pas passer la nuit ici... Mais comme ça ? Sur un coup de tête ? Il n'avait pas pu se préparer... Non, il ne voulait pas qu'il s'en aille ! Son cœur s'emballait. Il n'avait pas les idées claires, tout ce qu'il savait c'est que s'il ne faisait rien Sendre... Il allait... Partir... Sa main se leva d'elle même avant de se figer à quelque centimètres de la veste du sportif. Non il ne pouvait le retenir... Il n'en avait pas le droit... Il avait une vie, il n'avait rien à faire ici, avec lui... Il avait déjà brisé les règles en le rencontrant, maintenant il devait le laisser partir. Il n'était pas à sa place, le blond le savait. Non, c'était un homme connu, tout le monde l'attendait dans cet univers bleu auquel il appartenait... Il n'avait pas le droit de le retenir...

Mais... ça lui faisait tellement, tellement mal... Il avait beau se dire qu'il se reverraient, il lui avait promis, il avait mal et il ne pouvait rien y faire. Tout c'était passé trop vite, il s'éloignait déjà, il était déjà loin, il ne pouvait plus le toucher même en tendant la main. Et lui n'arrivait pas à bouger, à se lever, à le rejoindre. Allez, ce n'était pourtant pas compliqué... Se mettre debout, le retenir... Ou même crier... Hurler... Reste je t'en prie... S'il te plait Sendre, reviens, je t'aime...

L'air se vida de ses poumons d'un seul coup. Une masse s'était abattu sur lui, d'un seul coup, il était écrasé, ne pouvait plus respirer, était complètement sonné. Je t'aime... Non... Non il ne pouvait pas être amoureux, pas lui, pas comme ça... Il n'en était pas capable... Aimer c'est pour les gens pur, pas ceux dont le cœur était souillé, noir, sombre. Il n'avait pas le droit d'aimer une personne si droite et si blanche, cet amour le salissait... Il allait l’abîmer, le faire sombrer. Non il n'avait pas le droit...

Il avait réalisé en une seconde qu'il était amoureux. Il ne lui fallut pas plus longtemps pour comprendre que cet amour n'avait pas lui d'être. C'était quoi, cette grotesque mascarade ? Un ange venait en Enfer, et pendant ce court, si court laps de temps où il était resté, un monstre en tombait amoureux ? Il n'aurait même jamais dû le rencontrer ! Comment pouvait-il aimer quelqu'un qu'il n'aurait pas dû connaître ? C'était contre-nature...

Pourtant à chaque pas que faisait Sendre pour sortir, le cœur de Gavriil se déchirait un peu plus. Figé dans sa douloureuse agonie, il ne pouvait que regarder son âme se faire emporter loin de lui. Il voulait hurler, hurler jusqu'à en mourir. Il était oppressé, l'air se durcissait en l'emprisonnait, il suffoquait.

Mais pourquoi le sort s'acharnait-il donc ainsi sur lui ?! Qu'avait-il donc fait bon sang ?! Merlin trouvait-il ça drôle de le voir se languir d'une personne qui ne serait jamais à sa portée ? Il savait qu'il n'avait pas le droit de l'aimer ! Mais que pouvait-il y faire ?! Il était trop tard à présent, il ne pouvait plus revenir en arrière ! La porte se referma sur le jeune homme et le russe resta ainsi à la fixer pendant quelques minutes. Voilà, il était parti. Parti... Il se sentait vide. Affreusement, désespérément vide. Non, il n'était plus écrasé. Sa paralysie s'en était allée avec Sendre. Il se leva et chancela jusqu'à la sortie. Pardon Eden, Pardon, je ne peux pas rester. Je veux rentrer chez moi... Je veux rentrer chez moi... Avec un peu de chance ce ne serait qu'un mauvais rêve... Mais même ça il n'en avait pas envie. Il n'avait pas envie de se réveiller et de comprendre que la joie que lui avait fait ressentir Sendre, cette joie pure et intense, n'était que le fruit de son imagination.

Il marcha jusque son appartement, lentement, sans voir les rues autour de lui. Le visage de Sendre restant imprimé sur sa rétine quelque soit l'endroit où il posait les yeux. Je t'aime. Je t'aime Sendre. Mais ça tu ne le sauras jamais... Il s'engouffra dans l'entrée, passant comme un fantôme devant Sonia. Il ne la voyait pas. Il ne l'entendait pas. Il s'enferma dans la salle de bain où il laissa tomber sa robe et son maquillage.

En face de lui, son reflet se moquait de lui et lui renvoyait sa vraie nature. « Tu vois, disait-il. Tu n'es pas capable d'être Gabrielle. Tu n'es que Gavriil. Et Gavriil est sale » Il se sentait vide. Mais il devait être triste. Sinon pourquoi est ce que des larmes couleraient le long de ses joues ? Il n'était que Gavriil. Il aurait tellement souhaité devenir la personne qu'il prétendait être. La femme belle et légère, qui n'avait pas de soucis à se faire ou d'autre rêve que celui d'avoir un manteau de fourrure. Ainsi il aurait pu sortir de ce monde. Il aurait pu marcher sous le soleil la tête haute, sans être ébloui, et dire à Sendre qu'il l'aimait. Mais il n'était pas Gabrielle...

Pris d'une rage aussi brusque que violente à l'égard de ce reflet gouailleur, il attrapa le porte-savon en fer et l'abattit de toutes ses forces sur le miroir qui se éclata en dizaines de morceaux, se brisant avec un bruit assourdissant. Il tomba à genoux et continua à casser chaque débris jusqu'à ce qu'il ne reste que des miettes si petites qu'elles ne pouvaient rien refléter. Là, et seulement là Gavriil se laissa choir contre le mur, éclatant en sanglots amers. Jamais encore ses mains ne lui avaient parues aussi lourdes et aussi sales...

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