Devant son miroir, Alekseï se tournait et se retournait, nerveux. Est-ce que sa chemise irait bien ? Il n'avait rien mis de travers au moins ? Aaaah ! Il ne voyait pas bien son dos ! Et s'il avait une tâche juste à l'endroit qu'il ne voyait pas ?! Il respira un grand coup. Allez... Ce n'était pas non plus comme si une vie était en jeu... Enfin si quand même un peu... Après tout il n'avait jamais eu l'occasion de montrer ce dont il était capable en cuisine à quelqu'un d'autre qu'un membre de sa famille... Si ça se trouvait, il cuisinait mal ! Peut-être était-il persuadé d'être doué pour ce domaine à tord ? En plus l'homme était un Sang-Pur de la haute société... S'il le décevait... Il ne donnait pas cher de sa peau ! Gavriil lui avait un peu parlé des Crowford et plus il lui racontait des anecdotes sur la famille, plus son visage s'était décomposé. Capricieux ? Arrogants ? Il allait se faire démonter... Mais c'était sa seule chance de faire ses preuves...

Il se réconforta en se disant qu'après tout, lui aussi était un Sang-Pur ! Ce qui théoriquement le mettait sur un même pied d'égalité... Il secoua la tête. Non, soyons réaliste. Il était bien inférieur à ces gens brillants qui rayonnaient par leur argent, leur pouvoir et leur volonté... Il allait tout rater, c'était sûr... Vu la piètre manière dont il s'était mis en avant la dernière fois, ça ne risquait pas d'être mieux...

Il repensa à la scène. Quand il avait entendu quelqu'un demander le patron, il avait tendu l'oreille, par curiosité. C'était quelque chose qui n'arrivait pas tous les jours... La voix avait demandé s'il était possible d'embaucher un cuisinier pour un grand repas, et son cœur s'était mis à battre. Lui il pouvait ! Mais tout le monde s'en fichait... Il n'était que commis aux poubelles après tout -ou serveur quand il y avait du monde- comme son patron aimait à lui rappeler... Mais son employeur -un homme très occupé, il le répétait sans arrêt- n'avait malheureusement pas le temps, il en était navré et il se répandit en excuses et courbettes avant de retourner dans sa cuisine crier sur ses salariés.

Alekseï avait hésité. Intercepter le client et lui dire que lui était plus que d'accord pour se dévouer ? Son patron aller le tuer. Et puis ce serait pris comme de l'insolence. Et puis s'il ratait ? Rester planté là et gâcher une telle occasion ? Il pesa le pour et le contre pendant une demi-seconde. Sa famille s'était démenée pour lui. Ils avaient été fier quand il leur avait annoncé qu'il avait réalisé mais il leur avait menti... C'était le moyen de se rattraper !

L'homme était déjà presque arrivé à la porte. Lyohka s'était élancé. Et avait foncé dans une table, manquant de renverser les verres et les assiettes. Argh. Quel imbécile. Et une nouvelle gueulante de son patron dans moins de cinq minutes... Une honte cuisante lui tenaillant l'estomac, il s''était tout de même avancé en vitesse vers l'inconnu, avant qu'il ne sorte, les yeux pleins d'espoir.

-Moi ! Moi je peux le faire si vous voulez !!

C'est ainsi qu'il avait eu l'autorisation de venir faire un essai aujourd'hui. Et voilà qu'il était tellement nerveux qu'il avait mis presque cinq minutes uniquement pour boutonner sa chemise tant ses mains tremblaient ! Il était si maladroit qu'il allait faire une bourde, il le sentait ! Et s'il mettait le feu à leur maison ?! Non non, ne surtout pas penser à ça.

Il fut tiré de ses pensées par le bruit de la porte d'entrée que l'on ouvrait et les bruits de pas de Sonia qui courrait dans le couloir pour aller accueillir le nouvel arrivant. Le choix n'était pas très large... Gavriil ou leur père, qui étaient tous les deux sortis un peu plus tôt. L'aîné espéra qu'il s'agissait de son frère. Il n'y avait que lui qui savait pour son véritable travail et qui était au courant pour son rendez-vous. Il constata avec soulagement que la voix qui s'élevait du couloir était celle du blond.

-Gavriil ! Appela-t-il à la rescousse.

Le jeune homme ne tarda pas à entrer, Sonia pendue à son cou. Après l'avoir décrochée et lui avoir promis un câlin, le loup-garou le détailla.

-Tu es très bien comme ça, alors détends-toi ! Le rassura-t-il avec un sourire. Et tu devrais y aller si tu ne veux pas être en retard.

C'était donc écrit sur son front qu'il s'inquiétait ? Il jeta une dernière fois un coup d’œil à son reflet et après une rapide tentative de sourire -il n'avait pas la force de parler- à son cadet, il quitta la pièce en triturant le collier porte-bonheur que sa grand-mère lui avait offert pour ses 15 ans. Il savait que le prétendu charme de bonne fortune n'existait pas, comme le lui avait si gentiment affirmé sa sœur dès qu'il l'avait eu, mais... Au fond de lui, il voulait y croire. Et puis rien que le passer entre ses doigt l'aidait à se détendre.

Il sortit de l'appartement et pressa le pas une fois dans la rue. Et s'il ne trouvait et qu'il était en retard ? Non, Gavriil lui avait bien expliqué le chemin... L'avantage d'avoir un frère qui connaissait la ville par cœur, c'était que dès qu'il voulait allait quelque part, il lui détaillait tout le chemin. Enfin ça ne lui avait pas empêché de se perdre une ou deux fois mais bon... Apparemment là ce n'était pas trop compliqué.

Pas compliqué mais très long. Le trajet lui parut interminable. Plus il avait avançait, plus il lui en coûtait de mettre un pied devant l'autre. Mais une chance comme ça ne lui arriverait pas deux fois de suite ! Il devait continuer ! Pour lui et pour sa famille. Et pour ce monsieur. Après tout maintenant qu'il s'était engagé, il n'allait pas renoncer !

Au fur et à mesure de sa route, les maisons se firent plus rares et plus grandes, et finalement il n'y en eut plus du tout. Là, il commença à se demander s'il ne s'était pas trompé. Pourquoi n'y avait-il plus rien ?! Mais pourtant il était persuadé du chemin ! Il hésita. Faire demi-tour ? Continuer ? Bon... Il allait avancer encore et s'il ne voyait toujours rien, il rebrousserait chemin.

Occupé à regarder son petit bout de papier où la route était tracée avec la petite écriture de son frère, il ne remarqua pas directement qu'il était entré dans une grande propriété. Ce ne fut que lorsqu'il sentit des pavés sous ses pieds qu'il leva la tête. Ah. Oui en effet, quand Gavriil avait qu'on ne pouvait pas la rater... Il s'arrêta. Nooon. Le blond avait dit « maison secondaire » ?! Il avait dû se tromper. Aussi doué était-il pour récupérer des informations, ça ne pouvait pas être un manoir secondaire. Si ça l'était alors quoi ressemblait le principal ?! On aurait pu loger au moins dix famille comme la sienne ici ! Comment pouvait-on vivre dans un endroit si grand sans se sentir seul ? Ou sans se perdre ?

Il détacha ses yeux de la façade. Ce n'était pas le moment de penser à ça ! Il était pile à l'heure, ce serait bête de se mettre en retard juste devant le perron... Il réajusta sa tenue et frappa à la porte, le cœur battant, en se notant à lui même de faire bien attention à ne pas parler russe. Lorsqu'il était stressé, il avait la méchante manie de se mettre à parler dans sa langue natale parfois même sans s'en rendre compte. Porte qui ne tarda pas à s'ouvrir sur le monsieur qui l'avait invité.

-Euh... Bonjour ! Je euh... Vous m'aviez dit de venir aujourd'hui... Je suis le cuisinier !

Et s'il s'était trompé de jour ? Ou que l'homme avait oublié ? Enfin au moins il ne s'était pas trompé de maison, c'était déjà ça...

Alekseï avait la désagréable impression de ne pas être à sa place. Déjà en voyant la maison, il s'était senti tout petit -pourtant il avait été prévenu!- mais les choses ne s’arrangèrent pas vraiment. Le client qu'il avait vu au restaurant lui ouvrit la porte dans une tenue impeccable qui lui donna presque envie de pleurer. Si on rassemblait tout le salaire durement gagné de sa famille entière pendant six mois, il n'était même sûr d'avoir assez d'argent pour acheter un costume comme ça. A côté de ça, sa chemise premier prix devait faire piètre allure... Enfin l'avantage d'être pauvre, c'est qu'on sait faire illusion. Enfin pas lui. Les plus doués pour ça c'était Gavriil et Natasha... D'ailleurs c'était son frère qui avait arrangé son haut. Il connaissait quelques sorts utiles qui l'avait rendue comme neuve. C'était au moins ça...

Et puis ce manoir semblait être là depuis des dizaines d'années, comme s'il faisait parti de l'Angleterre depuis la création du pays. Bon peut-être pas autant, mais tout de même ! Cette famille était faite de véritables Sang-Pur anglais et elle le clamait, de toutes évidences. Rien que l'anglais parfait de l'homme en face en était une preuve. Alors que lui, avec son accent à couper au couteau... Comment faisait Natasha pour qu'on la prenne pour une anglaise ?! Elle était arrivée plus jeune et avait eu le temps de s'adapter, certes, mais tout de même...

Il se racla la gorge et tenta de se tenir plus droit. Une impolitesse... Lui n'avait même pas pris compte du fait qu'il ne lui avait pas demandé son nom, c'était dire ! Il était vraiment dans la haute société... Il avait beau être Sang Pur lui aussi, personne dans sa famille n'avait jamais pris la peine de faire des archives familiales et encore des arbres généalogiques. Le seul vestige qui attestait de la pureté de leur sang était une bague offerte par le tsar Ivan III en 1483 pour les remercier de leur aide dans l'unification de la Russie et dans la guerre contre les Mongols, qu'ils se transmettaient de génération en génération. A cette époque, les Ivanovski étaient encore couvert de gloire et de renom. On trouvait même encore leur nom dans certains livres d'histoire sorcier. Mais à présent leur famille était bien loin de tout ça, et tout le monde avait oublié leur existence, et les rares qui s'en souvenaient devaient penser que leur sang avait disparu avec le temps. C'était pour dire à quel point ils étaient tombés bas.

-Oh, euh, enchanté ! Fit-il en essayant de prendre l'accent le plus anglais qu'il pu. Je m'appelle Alkseï Ivanovski. Merci de m'avoir accordé un essai !

Alekseï Ivanovski... Moins breton, ça n'existait pas. Il espérait juste qu'il n'était pas comme certaines personnes qui pensaient que les pays de l'est, qui n'étaient pas réputés pour leur fameuse gastronomie, n'avaient que des piètres cuisiniers -comme son patron par exemple. Et puis qu'il n'allait pas l'associer à un polonais ! Il ne savait pas pourquoi, dès qu'il se présentait, on lui disait invariablement « ah, de Pologne ? » mais non ! Il fallait cesser de croire que tous les nom slaves venaient de Pologne ! C'était incroyable ça !

Il suivit le dénommé Théodore le long des immenses couloirs. Gavriil lui avait parlé d'un certain Ézéchiel Crowford, mais pas d'un Théodore. D'ailleurs il se demandait comment faisait son frère pour connaître tant de monde. Il suffisait qu'il mentionne quelqu'un -ou même quelque chose- et il savait directement de qui il parlait ! C'en était presque effrayant. Il se demanda vaguement quel était leur lien de parenté -peut-être frère ? Mais les grandes familles anglaises avaient tendance à n'avoir qu'un enfant- avant de reporter son attention sur ce qui l'entourait.

Le monsieur qui l'escortait avait-il seulement conscience du luxe dans lequel il vivait ?! Oui, question stupide, évidemment. Mais se rendait-il compte de la chance qu'il avait ? Pour lui ce devait être anodin, toute cette fortune. Il voulait quelque chose, il n'avait qu'à sortir et se l'acheter. Ou même envoyer quelqu'un le faire. Il avait grandit comme ça, ça devait lui sembler normal. Il tente d'imaginer sa vie s'il gagnait soudainement le pactole -rêve complètement irréalisable. Tout ce qu'il pourrait faire avec tout cet argent ! Il ouvrirait un restaurant pour commencer. Un grand restaurant où tout le monde viendrait par grappe pour déguster sa cuisine. Ensuite il s’achèterait une maison. Pourquoi pas une comme celle-là ? Ça lui convenait bien. Et il inviterait toute sa famille à y vivre. Sonia serait tellement heureuse avec un jardin comme celui-ci, elle qui adorait les fleurs ! Et ensuite... Il ne savait pas. Bah de toute façon ça n'arriverait jamais, pourquoi s'imaginer des telles choses ?

Plus il avançait dans la grande maison, moins il était à l'aise. Les portraits qu'ils croisaient le toisaient, il l'aurait juré ! Et puis il était si maladroit qu'il redoutait le pire à chaque fois qu'il passait devant une porcelaine ou un vase quelconque. C'était terriblement stressant ! Sans compter le silence de son hôte... ça le mettait terriblement mal à l'aise. Tout était trop calme ! Il n'avait pas l'habitude du calme, lui ! Il était sans arrêt entouré de brouhaha constants ! Que ce soit chez lui où entre les rires de Sonia, les gloussements de Natasha et les protestations vigoureuses de Nikita quand sa petite sœur décidait de l'embêter ou à son travail où son patron lui hurlait dans les oreilles par dessus le fond sonore des clients qui discutaient entre eux. Il y avait toujours quelqu'un en train de parler dans son entourage ! Et là d'un seul coup, plus rien. Le vide, le néant conversationnel.

Peut-être le trouvait-il trop minable pour lui adresser la parole ? Ou trop insignifiant ? Après tout il n'était qu'un simple cuisinier, tout ce qu'on lui demandait de faire c'était la cuisine... Et pas la causette. Ou encore il était xénophobe. Il n'aimait pas les étrangers ! Et du coup il répugnait à lui adresser la parole ! Non c'était idiot, il ne l'aurait pas invité sinon. Sauf s'il n'avait pas fait attention à son accent la première fois, à cause de brouhaha ambiant.

Il fut coupé court dans ses inquiétude par une porte qui s'ouvrit sur... Le paradis sur terre. Une cuisine comme il n'en avait jamais vu, propre comme un sou neuf, sans une casserole de mal rangée. Avec des carreaux brillants, des éviers reluisants, des placards triés et ordonnés... Alekseï était aux anges. Jamais dans sa vie il ne lui avait été donné la possibilité de voir une telle merveille. Il remercia Merlin de lui offrir cette vision de bonheur pur et cette chance de pouvoir faire des plats dans un endroit si divin. Il n'était même pas sûr de réussir à rendre la cuisine dans un tel état de propreté en partant.

Il s'avança dans la pièce en s'empêchant de courir pour tout inspecter plus rapidement. Il mourrait d'envie de savoir ce que cachaient les placards et toute la nourriture qui devait se trouver dans cette salle. Il voulait tester... Tout tester ! Au fond de son pantalon, sa baguette le démangeait. Il avait envie de la sortir et de commencer à mijoter pleins de choses ! S'il était excessivement nul en magie en général, les seuls sorts dans lesquels il excellait étaient ceux en rapport avec la cuisine.

-C'est... C'est votre... Whaaw... Fut la seule chose qu'il put articuler.

Sur le coup, il ne pensait même plus au fait qu'il pouvait avoir passablement ridicule ainsi. Ni au fait que s'il avait voulu avoir l'air d'un professionnel, il aurait peut-être dû prendre une tête plus blasée. Il ne comptait pas lui cacher qu'il n'avait aucune réelle expérience dans le domaine bien sûr, mais s'il pouvait éviter la question... Il ne s'en porterait pas plus mal.

-Qu'est ce que je-dois faire pour commencer ? Demanda-t-il avec le sourire candide et joyeux d'un enfant qui veut savoir quand il peut déballer ses cadeaux.

Il avait tellement hâte ! D'un seul coup il n'avait plus ni angoisse, ni gêne. Il était dans son élément, il n'avait rien à craindre ici. Tout se passerait bien, les ustensiles le lui soufflaient. Il s'était toujours senti à sa place dans les cuisines, même une aussi grandiose que celle-là ne le mettait pas mal à l'aise. Il était là où devait être. Et ça lui plaisait bien.

Les cuisines dans lesquelles il se trouvait étaient vraiment majestueuses. Il avait toujours pensé que l'on évaluait une maison à sa cuisine. Parce que mine de rien, c'était très révélateur des personnes qui y habitaient. Une cuisine sale appartenait à des gens négligents. Une cuisine mal rangée à des occupés. Une cuisine encombrée mais organisée et rangée à ceux qui aimaient préparer des repas et qui appréciaient la gastronomie -d'ailleurs se cuisine était ainsi. Il disait sa cuisine parce que même si parfois, d'autres que lui y allaient, et même si elle ne lui appartenait pas vraiment, c'était lui qui y passait le plus claire de son temps et il considérait cette pièce comme son territoire. Et tout les Ivanovski le savaient. Même sa chambre lui semblait moins lui appartenir. Peut-être parce qu'il la partageait avec Nikita. Quoique... Il partageait aussi sa cuisine avec sa mère ou Gavriil. Enfin bref.

Cette salle là était tellement propre et bien rangée qu'il était prêt à parier qu'elle ne servait pas souvent. C'était trop suspect autrement. Ou alors pas utilisée par des êtres humains. Elle était somptueuse mais... Froide. Comme le reste de la maison d'ailleurs. Et intimidante. C'était dommage ! Faire d'un tel endroit un lieu si mort ! Oui c'était beau mais... Mais... Mais pas assez vivant ! Lui aussi appréciait l'ordre et le rangement, mais bon, pas à ce point ! Il fallait bien montrer que quelqu'un vivait là... Là il n'y avait rien ! Pas le moindre petit bout de toast grignoté, pas de salière sortie -pourtant la salière on avait toujours besoin de l'avoir sous la main !- même pas de huche à pain pour conserver les baguettes ! Hum, forcément. Ils ne devaient pas les garder, plutôt jeter ce qui restait et en racheter plus tard. Argh, quel gâchis ! Avec des restes de pain on pouvait faire du pain perdu ! Ou alors glisser des croûtes dans des gratins pour absorber le jus ! Non, non, décidément, ça ne lui allait pas. Il allait animer un peu tout ça, foi d'Ivanovski ! Oui, il allait profiter de cette merveilleuse cuisine qui était un don des dieux, et il la ferait tellement vivre qu'elle se souviendrait de ce moment !

Il ouvrit quelques placards pour regarder ce dont il disposait sans se soucier du fait que ça puisse paraître sans gêne -après tout ici, c'était son domaine. Waaw ! La vaisselle était aussi de qualité supérieure... Comme tout le reste. Et sans aucun défaut. Dommage, sa grand-mère disait toujours qu'une chose abîmée n'en paraît que plus belle, et il était parfaitement d'accord avec ça ! Sauf pour Natasha et Gavriil. Ils auraient été mieux sans cicatrices, mais ça c'était surtout dû aux conséquences mentales des blessures, et pas physiques. Parce que visuellement parlant ça ne faisait pas si moche...

Il manque de lâcher la casserole qu'il était en train de détailler en entendant la remarque de son hôte. Quoiiii ?! Il se tourna lentement vers lui, les yeux ronds comme un derrière de verracrasse. Maismaismais... Mais comment il savait ça lui ?! Tsar... Unification... Quoi ? Mais il ne pouvait pas savoir ! Déjà qu'à son village natal, il ne devait y avoir qu'une ou deux personnes autre que sa famille au courant de ça... C'était si connu ? Les Ivanovski étaient-ils donc si réputés ? Peut-être était-ce simplement qu'à son village, tout le monde était ignorant. Après tout il n'y avait aucune école là-bas, et les seuls livres disponibles étaient les rares qu'il restait pour caler les tables et ceux qui moisissaient chez le libraire... Il n'y avait eu que Gavriil -et un peu Nickolaï- pour se soucier de lire. Ses yeux passèrent de la bague à Théo, et de Théo à la bague.

-Euuuuh... Oui... Si, c'est bien moi... Même si arrière-arrière-arrière-arrière petit-fils serait plus exact en fait, fit-il avec un petit rire nerveux. Pourquoi ?

Il était un peu curieux de savoir si l'histoire de leur famille était connue ou non, mais il n'osait pas le lui demander. Si c'était le cas, de quoi aurait-il l'air de ne pas être au courant ? D'un idiot fini ! En plus il ne connaissait presque rien du passé de ses ancêtres... Il n'avait pas pris la peine de se renseigner plus loin que le court résumé de son grand-père... Celui qui en savait le plus c'était Gavriil. C'était lui le plus cultivé après tout. Il avait trouvé dans la librairie du village des archives et des livres très anciens sur la Russie et avait passé des heures à les dévorer. Parfois il s'agissait de manuscrits sur un détail infime d'un passage de l'histoire... Il ne comprenait pas comment il avait la patience pour ça. Lui il aimait les romans, les vrais, où il y avait de beaux récits d'amour ! Mais ce n'était pas le moment de penser à ça.

Il écouta attentivement les directives du monsieur Crowford, hochant la tête pour bien montrer qu'il écoutait. Oui, évidemment qu'il se sentait capable de préparer une dizaine de portions, c'était ce qu'il faisait toujours, vu qu'ils étaient nombreux chez lui et que chaque membre de la famille mangeait au moins comme deux -si ce n'était plus. Et pour en faire plus le jour de la soirée, pas de problèmes ! Il y arriverait. On parlait de cuisine après tout ! Il leva un sourcil mi-déconcerté mi horrifié en l'entendant mentionner des elfes de maison. Hors de question ! A quoi servirait-il lui, sinon ?! Et puis faire faire la cuisine à des elfes ! Non non, la cuisine c'était une affaire sérieuse ! Ça s'effectuait soi-même ! En plus des elfes de maison, c'était particulièrement sale ! Comment pouvait-on respecter les règles d'hygiène élémentaire quand on portait en tout et pour tout qu’un bout de tissu crasseux ?! Même s'il devenait milliardaire, jamais, au grand jamais Alekseï d'autoriser ces créatures d'approcher à ne serait-ce que 10 mètres de cette pièce sacrée.

Il secoua la tête en grimaçant.

-Ah, non non ! Merci, c'est gentil, mais pas d'elfe, ça ira.

Si l'homme avait envie de mettre de la poussière ou de la saleté dans ses plats, grand bien lui fasse, mais avec lui, certainement pas. Bweeeh ! Déjà qu'il n'aimait pas quand Sonia tournait autour de ses préparations quand elle revenait du parc couverte de terre... Heureusement ça n'arrivait pas souvent.

Il s'empara de la liste et regarda ce qui était demandé. Gratin, soupe, desserts moui moui moui, ça devrait aller. Pas besoin de livre de recette, il n'en utilisait pas une fois qu'il avait fait la recette une fois. Il ne s'en servait que comme base, il préférait arranger les plats à sa sauce -c'était le cas de le dire.

Il enleva sa bague et la glissa dans la poche de sa chemise -on ne cuisine jamais avec des bijoux!- attrapa un tablier et sortit une barrette pour retenir ses mèches de devant qui lui tombaient sans cesse dans les yeux. Il se lava les mains, et ensuite seulement il s'autorisa un regard tendre vers le plan de travail qui lui tendait les bras avant de s'attaquer à la préparation de tout ce qui était demandé.

Il agita sa baguette pour commencer à éplucher, couper, chauffer ce qu'il fallait. Bon, il avait tendance à VRAIMENT arranger les plats à sa manière, ça restait le plat initial, mais... Bon il rajoutait des trucs... Pour donner du goût... Ou alors modifier un peu les recettes... Il espérait que ça ne dérangerait pas le propriétaire des lieux... D'ailleurs peut-être ne s'en rendrait-il pas compte. Il se dirait juste que c'était meilleur que d'habitude ! Ou plus mauvais. Mais il n'avait pas l'air de vouloir bouger. Il allait rester là tout le temps ?! … Bon ben il s'en rendrait forcément compte alors. Il allait voir que les ingrédients qu'il sortait n'étaient pas forcément ceux qu'on utilisait pour les recettes indiquées... Alekseï adressa une courte prière à Merlin pour qu'il ne soit pas trop conservateur et qu'il aime l'innovation...