Pour être tout à fait honnête, l'enfance d'Hazel n'était pas des plus palpitantes. Ou du moins, pas assez extraordinaire pour s'y attarder trop longtemps. On pourrait résumer les premières onze années de sa vie par la simple phrase : "C'était une petite fille". Une petite fille née de parents sorciers peut-être, mais mis à part ce détail, rien d'ihabituel. Elle aimait jouer à prendre le thé, chiper le maquillage de sa mère quand cette dernière s'absentait et manger le dernier chocogrenouille de la boite. Elle se faisait gronder quand elle tirait sur les plumes du hibou familial, jouait avec la baguette magique de son père ou encore quand elle assurait à ses amis moldus qu'elle savait leur piquer leur nez pour de vrai.

La vie était donc un long fleuve tranquille. Ce fut sans grande surprise qu'elle reçut un beau matin sa propre lettre l'invitant à rejoindre Poudlard, la célèbre école de magie. Hazel avait toujours envié son frère qui avait eu la chance de recevoir la sienne quelques années auparavant : les histoires qu'il lui racontait sur cet endroit fabuleux la gardaient éveillée la nuit. Elle imaginait tout : le plafond étoilé de la Grande Salle, les escaliers farceurs, le parc enneigé... Elle avait enfin l'occasion d'expérimenter ces choses par elle-même. Si bien que la petite ne fut pas particulièrement émotive une fois arrivée sur le quai de la gare. Alors que la plupart de ses futurs camarades restaient en pleurs dans les bras de leurs parents, Hazel comptait les minutes la séparant de sa Terre Promise.

Vous vous en douterez, sa scolarité fut aussi banale que le reste de son enfance. Le Choixpeau mit quelques secondes à se décider si oui ou non, elle aurait plus sa place à Serdaigle qu'à Gryffondor, mais après quelques marmonnements indistincts, une salve d'applaudissements s'éleva depuis la table des érudits. Hazel adorait l'atmosphère de Serdaigle : du calme, des livres, des énigmes, des découvertes... L'ennui n'existait pas en ces lieux.
C'est un 5 de Novembre qu'elle découvrit sa vocation pour la médecine. Et son penchant pour les garçon maladroit.

"Tenez votre baguette droite, Green, avant de toucher quelqu'un d'autre que votre partenaire !"

Les travaux pratiques en binômes de Défense contre les Forces du Mal, surtout en sixième année, avaient le mérite de faire passer l'heure un peu plus vite. Mais ce jour-là, son partenaire n'était pas des plus habile. Elle avait hérité d'un Poufsouffle aux deux mains gauches à qui elle n'avait jamais adressé la parole. Il n'était pas méchant, bien au contraire, mais il n'avait pas lancé un sort depuis les premières vingt minutes du cours, craignant de la blesser.

"Allez, on s'entraine au Charme du bouclier, il faut bien que je me défende de quelque chose! Attends, laisse-moi faire!"

Hazel s'éclaircit la gorge et brandit fermement sa baguette.

"Contre mon sort dans 3...2..."

Avant même d'avoir annoncé le "1", son Expelliarmus atteignit de plein fouet son partenaire qui vacilla en arrière dans un bruit sourd. Paniquée, elle couru le relever.

"Rien de cassé?!"

"Seulement mon amour propre..." réussit-il à articuler, le souffle coupé par la chute.

Hazel ne put s'empêcher d'éclater de rire devant la tête du type qui était désormais occupé à masser son crâne endolori.

"Tu veux un morceau de sucre pour diluer ton amertume, Green?"

Railla-t-elle en lui tendant une main pour l'aider à se relever. Il la saisit en éclatant de rire à son tour.

"Liam, je m'appelle Liam. Et tu ferrais un piètre docteur, soit dit en passant!"

Docteur? Mmmmh... Pourquoi pas?




"Liam! Ta mère au félétone!"

Elle n'avait jamais su se servir de cet engin de malheur. Peut importe le nombre de fois où Liam avait pu lui montrer, il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas. Soit elle le tenait à l'envers, soit elle appuyait par erreur sur un bouton... Les moldus se compliquent la vie avec ces trucs-là! Et désormais, l'appartement en pullulait! Lors de son emménagement, Liam avait introduit toute sorte d'objets plus bizarres les uns que les autres à son quotidien. La télévision, la cafetière, le réfrigérateur... "Comment as-tu pu survivre toutes ces années sans ces trucs de base?!" s'était-il écrié devant son incrédulité face à tant de nouveautés. Les sorciers nés de parents moldus ne perdent jamais leurs habitudes de moldus, apparment.

"Té-lé-phone, mon cœur! Dis-lui que je rappèlerai, j'ai les mains dans l'évier!"

Hazel leva les yeux au ciel. Bon sang, il était diplômé de la plus prestigieuse école de sorcellerie et il refusait encore de se servir de sa baguette pour régler ce genre de problème! Mais comme il le disait toujours : "Ça me détend !"

"Désolé Miranda, il est occupé pour le moment. Vous pourriez peut-être rappeler un peu plus tard?"

La voix de la mère de son petit-ami s'exclama alors à travers le combinet, la faisant sursauter. Et dire que d'après Liam, on n'était pas sensé hurler dans un félé.. pardon, téléphone.

"Et rater une occasion de papoter avec toi? Jamaaaaaais de la viiiie, trésor! Alors, raconte-moi tout! Il va y avoir une remise des diplômes à l'hôpital?"

La mère de Liam adorait "papoter" pendant des heures durant. Et elle adorait aussi Hazel. Ce qui promettait à cette dernière des heures à rester pendue à cet engin de malheur.

"Heu oui oui, en quelque sorte. On va nous remettre nos uniformes de médicomages et tout ça... Liam est excité comme une puce!"

"Mon fils le docteur, si on m'avait dit ça! Et ma belle-fille aussi! Vous pourriez ouvrir un cabinet ensemble, non? Il parait que c'est... Comment vous dites vous, les jeunes? "Top tendance"?"

Hazel se retint de lui préciser que personne n'utilisait plus cette expression depuis qu'elle avait cessé d'utiliser des couches et tiqua au mot "belle-fille". Miranda avait toujours été rapide en besogne ! Belle-fille, comme elle y allait! A l'entendre, elle s'appelait déjà Hazel Green et était enceinte de son 5ème enfant! Tout doux bijou.

"Je... Ce n'est pas vraiment comme ça que ça fonctionne Miranda. Il n'y a pas vraiment ce qu'on pourrait appeller des médicomages à leurs comptes. Et puis on se croise souvent dans les étages avec Liam, ne vous en faites pas!"

"Bon allez je te laisse, trésor, on sonne à la porte! Vous prendrez des photos, hein? Tu sais, les photos qui bougent là! Absolument fa-sci-nant! Vous allez être mignons tous les deux!"

Pas le temps d'ajouter un mot de plus qu'elle avait déjà raccroché. Elle qui avait eu "envie de papoter", ça avait vite été négocié! Hazel contempla le combiner du téléphone quelques secondes avant de le reposer sur son support. Liam sortit la tête par la porte de la cuisine.

"Voilà, parfait comme au premier jour! Je t'annonce qu'on pourra dès à présent arrêter de faire la vaiselle dans la salle de bains!"

Il esquissa un mouvement pour enrouler ses bras autour de sa taille mais Hazel fit un pas de côté.

"Bas les pattes à moins que tu ailles les laver d'abord, on dirait qu'on leur à jeté un sort d'encre perpétuelle!"

Liam éclata de rire et mit ses mains derrière son dos tout en se penchant en avant pour réclamer un baiser. La jeune femme s'exécuta avant de lui donner une petite tape sur les fesses.

"Allez, Docteur, dépêche toi de t'habiller avant qu'on soit en retard!"

"C'est à une seconde en transplanant!"

"C'est ce que tu appelles une excuse?"


Et puis tout changea. Tout, absolument tout. Les vagues demonstrations de haine envers les nés moldus devinrent de moins en moins marginales jusqu'à ce matin de Mai. Le gouvernement entier remanié. La terreur, la confusion, les ténèbres. Les sorciers nés moldus se voyaient retirés nombre d'avantages. Liam fut l'un des premiers touchés car une vague de licenciement submergeant tout le monde magique. La plupart des médicomages aux origines moldues étaient alors renvoyés sous prétexte de "tentative de contamination sanguine des sorciers de souche", "inhabilité à garantir la santé de la communauté magique" ou encore "expériences illégales sur patients".
Hazel, de par son statut de sang pur, fut épargnée par les réformes du nouveau régime. Regardée de travers dans les couloirs pour s'être "mélangée avec un de "ceux-là", sa situation ne connut pas vraiment de changement.

Du moins en apparence.

Liam avait organisé un hôpital clandestin dans le sous-sol de Londres. Les médicomages n'étaient pas les seuls touchés par le coup d'Etat : les patients au statut de sang inférieurs recevaient désormais à Ste Mangouste les soins les plus basiques, si jamais soin il y avait. Les risques étaient considérables. A chaque bruit de pas, il fallait tendre l'oreille pour discerner l'ami de l'ennemi, retenir son souffle, cesser tout mouvement. Mais le nombre de patients ne permettait pas la fermeture de ce semblant de clinique.
Hazel avait double tâche. Dès que son service à Ste Mangouste touchait à sa fin, elle descendait dans les sous-sols pour prêter main forte au jeune homme. A eux deux, ils n'étaient jamais assez pour subvenir aux besoins de tous. Cela rendait Liam dingue. Comment un gouvernement pouvait laisser son peuple dans le besoin, relégué dans un sous-sol miteux?
Sans dire que ce système était devenu routinier, petit à petit, tout commença à devenir plus "normal", comme une machine bien huilée. Réveil, bisou, Ste Mangouste, déjeuner, Ste Mangouste, Sous-sol, bisou, dodo et on recommence.

Jusqu'à ce que la machine déraille.

Il a suffi d'une fois. Une soirée aux allures calme pourtant. Jusqu'à ce qu'une demie douzaine de patients arrive après l'attaque d'un pro-gouvernement. Ce genre de chose arrivait de plus en plus fréquemment ces temps-ci. Des sympathisants en quête d'amusement qui attaquaient sauvagement des innocents. Tous n'avaient pas toujours la chance d'arriver à eux vivants. La plupart avaient besoin de soins beaucoup plus poussés que ceux qu'ils pouvaient proposer. Paniquée, Hazel posa les yeux sur un petit garçon couvert de sang avant que son regard ne dévie vers quelqu'un d'autre.

"Lui aussi a été attaqué ?"

Demanda-t-elle à l'un des blessés. Elle s'accroupit pour l'occulter de plus près. Son oreille avait été arrachée, comme rongée par un animal et du sang coulait dans son cou. La jeune femme lui fit un sourire encourageant pour le rassurer.

"Pas attaqué..." Murmura une voix derrière elle. "Attaquant.."

Horrifiée, Hazel se releva et lâcha l'homme, comme si il s'apprêtait à lui bondir dessus. Lui. Le responsable de tout ça. D'un geste, elle sortit sa baguette de sa poche pour la pointer sur lui. La main de Liam vint se poser sur son bras pour la lui faire baisser. Le souffle court, elle le regarda sans comprendre.

"Je m'en occupe Haz'. Il y a d'autres patients."

Ce fut comme si elle avait reçue une gifle en plein visage. Incapable de dire le moindre mot pendant quelques secondes, elle finit par reprendre contenance.

"Tu plaisantes?! Ils ne t'auraient jamais fait ce genre de faveur!"

Sans la regarder, Liam commença à jeter les sorts de soins de base sur la blessure du coupable.

"Je sais. C'est bien ça le problème. Je ne suis pas comme eux."

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Hazel se rappellera de cette nuit comme la plus longue de sa vie. Les soins s'étaient prolongés jusqu'au petit matin. Des courbatures partout, elle peinait à rester éveillée. Le reste des patients dormait à poings fermés, pas vraiment soignés, mais en meilleure condition qu'à leur arrivée. Le sympathisant ronflait à grand bruits sur un drap, un peu trop d'ailleurs. Liam avait fait des merveilles sur son oreille

"Café?" lui proposa-t-elle alors qu'il vérifiait l'état de chacun des patients

"Avec plaisir! Je te prends comme d'habitude?"

Un café moldu était à proximité de l'emplacement de l'hopital clandestin. Une dixaine de minute suffisait pour passer commande et revenir.

"Nan laisse, je vais y aller. J'ai besoin de prendre l'air."

Dix minutes. Dix petites minutes. C'est ce qu'il avait fallu. Il peut se passer énormément de choses en dix minutes. Donner naissance à un enfant. Son premier baiser. Finir un examen. Tuer de sang froid le médicomage qui vous a soigné et le reste de ses patients.

Il te tenait là, debout, la baguette encore à la main, éssoufflé comme si cela lui avait demandé un effort. Les tasses qu'Hazel tenait à la main tombèrent sur le sol. Il était mort. Liam était mort. Tout le monde était mort. Et elle n'allait pas tarder, elle non plus. Tetanisée, elle ne pouvait plus se décrocher de la vision d'horreur qui lui était offerte. Ce n'est que quand l'assassin bandit sa baguette en sa direction de son instint la poussa derrière une colonne de pierre pour se proteger du sortilège impardonnable lancé contre elle.

"Tu veux jouer?" siffla-t-il

Elle n'avait pas de baguette. Rien, absolument rien. Elle l'avait laissé ici avant de partir, pensant qu'elle n'en aurait aucune utilité. A sa droite, des barres en métal rouillaient contre le mur. La main tremblante, elle en saisit une.

"Tu veux savoir ce que ton copain a fait avant que je m'occupe de lui?"

Sa voix se rapprochait. Plus près, plus forte à chacun de ses pas. Concentre toi Hazel : Destination, Détermination, Décision.

"Il a chialé comme une fillette en me suppliant."

Destination, Détermination, Décision.

"Pitié, je vous en prie! Une vraie gamine! Les sangs de bourbe, tous les mêmes"

La sensation de transplanage lui noua l'estomac et Hazel se retrouva soudainement derrière le sympathisant. Pas une seconde d'hésitation ne freina son bras alors qu'elle abattit sur lui la barre en fer qu'elle tenait.



Le temps passa. Mais contrairement au célèbre dicton, il ne guérit pas les blessures. Il les transforme, les utilise, les creuse pour endurcir son hôte. Elles avaient transformé l'enthousiasme d'Hazel en détermination, sa curiosité en pragmatisme et sa bienveillance dévouement total à sa cause. Même l'espièglerie avait laissé place au cynisme. Dans un monde où aider une veille femme née moldue à traverser la rue peut vous attirer des ennuis, mieux vaut ne montrer aucune faiblesse.

La Résistance grimpait en notoriété. Terroristes pour les uns, salvateurs pour les autres, le mouvement était en marche. Hazel en tête de file. Si Kendra Winfield était à son origine, c'était Hazel qui était en charge de la diriger. Un job qu'elle prenait très au sérieux. L'hôpital clandestin fut reconverti en quartier général, étant assez vaste et discret pour accueillir les membres de la Résistance et leurs opérations. Il reste néanmoins un lieu de soins pour les nés moldus dans le besoin, la jeune femme n'aurait pas toléré que l'initiative de Liam soit perdue.

Hazel ne vivait plus vraiment dans son appartement. Sans cesse à Ste Mangouste pour travailler ou au Quartier Général, l'envie de revenir dans cet endroit ne lui tenait pas particulièrement à cœur. Les affaires de Liam y étant toujours, elle préférait alors carrément même l'éviter. Pas le temps de s'attarder de toute façon : une Révolution était en marche.