Le bureau d'Ezéchiel lui semblait atrocement vide et ennuyeux. Assis sur son confortable fauteuil de cuir, il regardait sa pile de paperasse en se demandant pourquoi il devait s'embêter à les remplir. Lui, il avait accepté de travailler à la commission d'enregistrement des né-moldus uniquement parce qu'ainsi, il pouvait pourrir la vie de familles entières d'un simple claquement de doigts. De ce fait, tous ses ennemis s'étaient fait beaucoup plus discret. Il était tellement facile de modifier un arbre généalogique quand c'était lui qui les vérifiait et qui décidait s'ils étaient vrais ou non ! En temps normal, il ne venait au Ministère qu'une ou deux fois par semaine, le temps de choisir qui allait s'en tirer et qui récolterait les ennuis, et il laissait la paperasse administrative à ses adjoints. Lui se contentait de signer. En temps normal.

Mais là, son père était venu le voir et lui avait longuement expliqué que ça ne pouvait pas continuer comme, qu'il passait pour un paresseux et que ça ternissait l'image de marque de la famille. Résultat : il était obligé de venir au moins 12 heures par semaines. Son géniteur lui avait clairement fait comprendre qu'il se fichait de savoir s'il travaillait vraiment ou non du moment qu'il se montrait, c'était déjà ça, mais au Ministère, il n'y avait pas grand chose pour s'occuper...

Aujourd'hui, il avait déjà couché avec une employée dans son bureau et il avait terminé le livre qu'il avait emporté. Donc il s'ennuyait. Et Ezéchiel détestait s'ennuyer. C'était comme ça : rester sans rien faire lui tapait sur le système. Il y avait tellement de choses plus intéressantes à faire ailleurs ! Planifier sa prochaine sortie avec Basil, aller embêter sa Planche à Pain d'Améthyste, ou même juste se poser sur un canapé de la bibliothèque familiale avec un verre de Whisky-Pur-Feu en lisant un bon roman sorcier... Mais non. Il était coincé ici avec ses papiers qui semblaient le regarder d'un air méprisant. Le jeune héritier attrapa le paquet et le fit voler à travers la pièce. Un acte tout à fait puéril et inutile, mais là, il s'en fichait complètement. Au moins ça l'avait distrait l'espace d'une seconde.

Il décida de sortir se dégourdir les jambes et en profita pour ordonner à un de ses collègues de ranger les feuilles qui s'étaient malencontreusement éparpillées dans son bureau. Parcourant rapidement les couloirs, il prit l'ascenseur pour se rendre dans l'atrium et une fois là-bas, il se dirigea droit vers le sorcier de l'accueil. C'était un sorcier plutôt médiocre et craintif, le profil parfait pour lui demander des services qu'il ne valait mieux pas qu'il refuse. En le voyant arriver, l'homme se ratatina sur lui-même en se demandant sûrement ce que l'héritier Crowford lui voulait.

-Café ! Fit l'ancien serpentard en tendant la main.

Il y avait beaucoup de manière de se procurer un café ici, mais il aimait particulièrement celui-ci. Et puis ça embêtait quelqu'un alors c'était encore mieux. Le pauvre homme n'était pas payé pour ça, mais il avait fini par prendre l'habitude des demandes étranges d'Ezéchiel. Il fallait dire que c'était toujours lui qu'il venait voir quand il avait faim ou soif. Appeler son elfe de maison était beaucoup moins distrayant.

Il sirotait le café tout spécialement préparé pour lui quand une merveilleuse idée lui traversa l'esprit. Mais quel idiot ! Il avait une occupation toute désignée pour chasser son ennui ! Pourquoi donc n'y avait-il pas pensé avant ? Hope était très certainement dans son bureau à travailler et à n'attendre qu'à être dérangée ! Oui très bien, il allait l'embêter un peu. Il s'amusait bien avec elle. Il doutait que son amusement soit partagé mais observer ses réactions quand il la draguait ou qu'il venait squatter son domaine était très divertissant. Et puis c'était toujours mieux que de rester assis à ne rien faire.

Il retourna vers les ascenseurs en faisant disparaître son verre au passage et prit la direction du service des usages abusifs de la magie. Une fois sur place, il s'avança dans le couloir. Quelle porte déjà ? C'est qu'on s'y perdait ici ! Ah oui, celle-là.

Il ne prit même pas la peine de frapper et entra directement avant de faire apparaître un fauteuil moelleux dans lequel il s'installa confortablement. Ce ne fut qu'une fois bien assis qu'il daigna lever la tête vers l'occupante du bureau.

-Salut chérie, tu bosses ? Fit-il avec un sourire insolent.

Il espérait l'agacer avec ça. Agacer Hope, voilà une activité qu'il aimait beaucoup. Décidément, il ne comprenait pas comment il avait pu s'ennuyer si longtemps avant de peser à elle...

Quelques secondes. C'était le temps qu'il avait fallu à Hope pour afficher une mine passablement agacée -voire carrément exaspérée- qu'elle n'essayait même pas de cacher. C'était ça qu'il aimait bien chez elle : sa franchise. Avec lui, peu de gens l'étaient. C'était souvent des sourires mielleux par devant et des coups de poignards par derrière plutôt que des défis ouverts. Alors un peu de sincérité de temps en temps, ça faisait du bien.

Il ne put empêcher son sourire de s’agrandir en la voyant ainsi. C'était presque trop facile ! Il pouvait même deviner ce qu'elle pensait. Qu'il était décidément un emmerdeur de première, ça évidemment. Elle s'accrochait à cette idée depuis leur première rencontre. Normal en même temps. Il avait commencé à l'embêter dès qu'il l'avait vu. Il l'avait croisé dans un couloir et en un regard il avait su que c'était le genre de fille qui ne pourrait pas le supporter. Et comme, pour changer, il s'ennuyait, il avait entrepris de la draguer. Sans artifice ni rien, le niveau zéro des grands débutants. Après tout il n'avait pas l'intention de coucher avec elle, ç'aurait été le comble qu'elle accepte ! Le résultat avait été tout simplement merveilleux. Il n'en attendait pas tant à vrai dire... Mais ça ne lui avait pas déplu au contraire. Enfin une personne qui lui sortait les quatre vérités ! C'en était presque émouvant. Non vraiment ! Ça pouvait paraître surprenant mais à part Améthyste, personne ne le faisait. Ou presque.
Alors bien sûr, il n'allait pas laisser tranquille une telle personne ! Pour une fois que quelqu'un lui tenait tête, il devait avouer que ça l'amusait bien. Et puis il aimait bien Hope. Même s'il ne l'aurait jamais avoué pour rien au monde. Il avait une réputation à tenir lui ! Pas question qu'on sache qu'il pouvait apprécier des gens. Il poussa un petit soupir faussement exaspéré et déclara :

-C'est tout à fait normal puisque dans mon cas, le « chérie » est plus un moyen d'éviter de dire « hé toi là » que de communiquer mon affection... Mais je prends note de ta réflexion et je vais même recommencer du début.

Il se racla la gorge et reprit avec un sourire insolent :

-Salut toi, là, tu bosses ?

Elle allait finir par le tuer un jour. Je le sentais. Quoique, quitte à mourir un jour, autant partir d'une façon qui lui ressemblait. Être assassiné par quelqu'un comme elle ne lui déplairait pas tant que ça en fait... Mais pas tout de suite. Il aimait trop sa vie pour la quitter comme ça. Et puis il n'avait pas dit à son Beny qu'il l'aimait ! Pas question de mourir avant qu'il soit au courant. Maintenant restait à ce qu'il le soit un jour, parce que là, il commençait à désespérer...

Il secoua la tête. Mais à quoi était-il en train de penser lui ? N'importe quoi ! Il était là pour énerver Hope par pour songer à son hypothétique mort -mort qui n'arriverait que dans au moins 70 ans de préférence- et puis il se devait de savourer le moment... Ladite Hope le toisait avec un vague air qu'il identifia comme du dégoût. Non. Plutôt du dédain. Enfin, rien de très positif en somme. Allons donc ! Il n'était pourtant pas si repoussant ! Bon d'accord, il était passablement -TRES- énervant quand il s'y mettait mais... Il s'amusait bien trop partir juste comme ça. Et puis elle serait bien trop heureuse s'il le faisait ! Sans compter que ça paraîtrait bizarre voire même suspect ! Donc voilà, il ne pouvait pas partir... Dommage. Pour elle évidemment.

Il failli rire en entendant sa question. Bien sûr que si il avait d'autre choses à faire ! Mais là maintenant tout de suite, ce qu'il voulait, c'était l'agacer le plus possible. Alors non, il n'avait rien de mieux à foutre comme elle l'avait dit.

-Allons allons,chérie, ne soyons pas vulgaire ! C'est pas la peine de chercher à me faire partir tu sais. Je suis bien comme ça, j'ai une vue prenante sur ta poitrine.

Il dut retenir un sourire réjoui. Avec un peu de chance elle allait lui répliquer une de ses tirades bien senties dont elle avait le secret. Elles étaient toujours piquantes à souhait et il trouvait ça rafraîchissant. Il appuya sa prise de parole par un regard soutenu vers elle et par un sourire insolent. A coup sûr elle aurait envie de le frapper. Cool. Ce serait intéressant...

Son sourire forcé valait bien toutes les têtes du mondes. Ça le confortait dans son idée qu'il aurait vraiment dû venir plus tôt. Et puis sa réponse avait quand même changée. A vrai dire il la trouvait bien mieux comme ça. Ben oui quoi ! Le « honey » mettait tout de suite un dynamisme nouveau et un ton sarcastique bienvenu. Ben voilà ! Il savait bien qu'elle était capable de faire plus fort que sa petite réponse ! Hum, qu'allait-il bien pouvoir lui répliquer ? Il fallait quelque chose qui soit à sa hauteur... Et qui l'énerve aussi bien entendu. Sinon ça n'avait rien de drôle, même si pour elle, rien ne l'était. Tsss... Aucun sens de l'humour vraiment. D'accord, il admettait que d'un point de vue extérieur il devait sembler n'être là que par pur caprice -ce qui était d'ailleurs le cas- mais dans l'unique but de venir l'emmerder. Oui bon, en effet, il venait là pour ça. Mais ce n'était pas méchant, contrairement à ce qu'elle avait l'air de penser !

Tiens en parlant de penser... Pourquoi le regardait-elle comme ça ? Il avait fait quelque chose de bizarre ou quoi ? Pourtant non... Il était comme d'habitude. Elle semblait... Concentrée. Non il devait se tromper. Pourquoi se concentrerait-elle sur lui ? A moins qu'elle n'ait compris qu'il l'appréciait ? Voilà qui était problématique... Mais non. Impossible qu'elle le devine ! Quand il cachait l'affection qu'il portait à quelqu'un, la personne ne se rendait jamais -absolument jamais- qu'il l'aimait bien. Et pour preuve ! Au bout de 10 ans -ou 9 plus exactement- Beny n'avait toujours pas compris qu'Ezéchiel était amoureux de lui. D'ailleurs il ignorait jusqu'à l'existence même de l'ancien serpentard... Enfin là n'était pas la question. A moins qu'elle sache qu'il aimait le pâtissier ?! Haha ! Il faillit se faire rire tout seul. Non, ça c'était carrément inconcevable. L'unique personne à l'avoir deviné était Améthyste, et encore, juste parce qu'elle l'avait surpris à le regarder sans arrêt à Poudlard.

Non mais vraiment, qu'est ce qu'elle avait à le fixer comme ça ? Sans aucun air d'agacement ou de mépris en plus ! Qu'avait-il fait pour mériter ça ?! Mais finalement elle rouvrit la bouche et le brun fut rassuré. Ah ouf, voilà qu'elle redevenait normale. Il préférait ça. Il détestait ne pas savoir ce que pensaient les gens, et déchiffrer un regard irrité était largement plus facile qu'une expression d'intense réflexion.

Elle le traitait de vulgaire et de désespéré ? Oh. Vulgaire à la limite. Mais désespéré ? Allons bon.D'un côté ce n'était pas si faux... Après tout il désespérait devant son tas de papier avant de venir ici. Mais il doutait fortement qu'elle parlait de paperasse. Et bien sûr que non il n'avait pas que ça à regarder. Parce qu'effectivement, c'était bien malheureux à voir. Ou plutôt à ne pas voir. Parce qu'honnêtement, habillée comme elle l'était, il n'y avait rien à regarder.

-Tu as oublié le sourire forcé et la main qui tapote ton bureau, chérie. C'est essentiel pourtant !

Ah... Il aurait presque envie de s'approcher pour l'énerver un peu plus. Mais il était bien comme ça... Se lever ou ne pas se lever ? Dure question... Mais il ne résista pas au plaisir de l'embêter encore un peu plus. S'arrachant à son fauteuil, il s'avança vers elle et s'appuya sur son bureau. Bien. Il était assez collé là, c'était parfait.

-Humpf, fit-il en jetant un regard moqueur à sa poitrine, c'est sûr qu'avec ça, il y a de quoi désespérer... Mais quand même. Tu es bien rude avec moi ! Imagine que je sois amoureux de toi, tes remarques pourraient me peiner tu sais ?

Il lui décocha un beau sourire effronté et fit semblant d'inspecter ses ongles parfaitement manucurés d'un air détaché. Il avait de glousser comme ces dindes idiotes qu'il croisait parfois dans les bars. Merlin, il était tombé bien bas... Mais pour sa défense, il fallait dire que la situation était comique ! D'ailleurs pour le coup même elle allait forcément trouver ça drôle -pas de la même façon que lui bien sûr mais qui resterait de marbre face à une telle supposition ? Du point de vue des autres, il était le genre de mec à ne pas savoir aimer alors évidemment, die ça ça suscitait le rire. Même lui il trouvait ça risible. Alors on plus amoureux de Hope, qui ignorait qu'il l'appréciait... C'était juste totalement impensable. Mais peut-être allait il réussir à la mettre mal à l'aise...

Oh, il avait réussi à la gêner. Apparemment elle ne s'attendait à ce qu'il s'arrache de son fauteuil pour venir admirer l'inexistant spectacle de sa poitrine savamment cachée. Un point pour lui, pensa-t-il avec un demi sourire insolent. Il avait même réussi à la faire s'embrouiller un peu dans sa phrase. Ah, le pouvoir de mettre mal à l'aise... Un réel dont des dieux, vraiment. Il adorait faire ça. Non, c'était même plus qu'une adoration. En fait il considérait ça comme une véritable vocation, en ce qui le concernait. Regarder les gens atrocement gêné, qui ne savaient pas quoi lui répondre... Il trouvait ça particulièrement satisfaisant. Après, il y avait les personnes à qui il faisait parce qu'il ne les supportait pas -et dans ce cas, la plupart du temps, il n'en restait pas au simple fait de les mettre mal à l'aise- et celles qu'il aimait juste contempler quand elles arboraient un air un peu perdu, le genre qui ne ignorent comment réagir.

Exactement comme était Hope maintenant. Haha, sa réflexion l'avait prise au dépourvu. Bien bien bien, c'était le but recherché... Elle semblait un peu confuse. Alors ça voulait dire que ça lui importait de lui faire de la peine ou non ? Comme c'était gentil. Beaucoup de ses collègues seraient ravis d'avoir l'occasion de lui faire du mal. Et elle, elle aurait eu une très bonne excuse pour le faire. Mais non, au lieu de ça, elle faisait attention à ses sentiments et prenait le temps de se demander s'il se moquait d'elle ou pas. Vraiment, c'était adorable. Et il ne disait pas ça ironiquement. Même si c'était bien la dernière chose qu'il lui ferait remarquer. D'ailleurs elle n'allait pas tarder à se rendre compte qu'en effet, il n'était pas sérieux.

Et voilà, déjà elle se reprenait. Dommage, c'était marrant de l'observer comme ça. Mais bon, ça ne pouvait pas durer éternellement. Et elle qualifiait sa remarque comme une technique de drague ! Enfin, comme s'il allait s'amuser à la draguer. Bon d'accord, en apparence c'était à peu près ce qu'il faisait. Mais il n'avait pas la moindre intention de flirter avec elle pour autre chose que pour l'embêter, alors appeler ça de la drague... Mouais.

Hé mais ! Qu'est ce qu'elle faisait ? Elle s'éloignait ? La saleté ! Dire qu'il s'était levé exprès ! Elle pourrait au moindre son effort en considération ! Parce qu'il n'avait pas l'intention de lui courir après à travers son bureau. Pff, tant pis... Il changea vite d'avis cependant. Voilà qu'elle revenait se mettre juste en face de lui ! Mais c'était parfait ça ! Si elle voulait poser une certaine distance entre eux, penchée comme ça devant lui, c'était raté. D'ailleurs il considérait même cette position comme une invitation. Et qui était-il pour refuser l'invitation d'une femme ? Aussi un sourire machiavélique s'esquissa sur son visage juste avant qu'il ne se penche à son tour pour lui voler un baiser. Oh il ne s'attarda pas, après son but n'était pas approfondir tout ça... Il eut à peine le temps de sentir ses lèvres sous le siennes que déjà il s'était reculé, sans essayer de dissimuler son air réjoui.

Il failli enchainer en lui répliquant qu'en effet, le conseils de ce genre, il n'en avait pas besoin, mais il se retint de justesse. Si justement, il en avait peut-être -il disait bien peut-être, après tout il était certain de pouvoir se débrouiller seul aussi- besoin... Parce que la drague pour un soir, ça aucun problème, mais il n'avait toujours pas dit un seul mot à Beny... Alors avoir l'avis d'une fille avec un caractère qui, s'il n'était pas pareil, avait au moins quelques similitudes -ils étaient tous les deux ce qu'on appelait « des gens bien »- ça pouvait lui servir... Le tout c'était qu'elle ne s'aperçoive pas qu'il lui demandait des conseils. Pas question de s'abaisser à jouer l'amoureux transis en détresse et avide de petites astuces. Après tout, ce n'était pas son genre.

-C'est vrai... Quoique, les filles comme toi méritent une technique qui leur est propre. Qu'est ce que tu préconises ? Je serais curieux de voir si mes stratégies correspondent à ce que tu vas me dire...

Voilà, comme ça, ça devrait passer.

-Oh, je sais bien que tu as des choses à faire. M'aider à me faire passer le temps par exemple... Le travail c'est secondaire, tu pourras le finir chez toi.

Ou rester à son bureau jusque tard dans la nuit. Quelle horreur. Devoir repousser le moment de rentrer juste pour du travail... Il n'aimerait pas à être à sa place. Heureusement qu'il n'avait pas besoin de bosser plus que nécessaire lui !

Oups. Là il l'avait vraiment mise en rogne pour le coup... Enfin bon, il l'avait cherché, d'accord. Mais il ne pensait pas qu'elle allait réagir aussi brusquement pour juste un tout petit bisous... C'était pas comme s'il lui avait roulé le patin du siècle ! Le claquement qui retentit résonna un instant à ses oreilles. La dernière personne qui l'avait frappé, c'était aussi une fille dont il avait oublié le nom, une serdaigle de sixième année, qu'il avait séduit pour passer son ennui quand il était en dernière année. Elle avait fini par passer deux semaines à l'infirmerie, et encore... Il avait été gentil. Il avait toujours eu horreur qu'on lui porte atteinte, physiquement ou moralement, et ce depuis qu'il était en âge de se déplacer seul. C'était plus fort que lui, il ne pouvait pas s'empêcher de prendre ça comme une humiliation qu'on lui faisait et il fallait qu'il se venge. Mais là, même lui devait reconnaître que bon... C'était mérité. Peut-être. … Non bon, pas peut-être. Mérité. Et puis il n'avait pas envie de faire du mal à Hope parce que... Bah il l'aimait bien. Et il y avait tellement peu de personnes qu'il appréciait qu'il ne voulait pas perdre l'une des rares d'entre elles. S'il répliquait, ce ne serait plus juste qu'elle ne l'aimerait pas mais elle allait simplement le haïr -d'ailleurs c'était peut-être déjà le cas- et il ne pourrait plus la voir pour l'embêter gentiment sans qu'elle lui jette un sort à la tête. Et ça, ça lui vaudrait d'être au moins renvoyée, et il ne lui souhaitait pas une telle chose. Il avait beau l'empêcher de travailler, il savait qu'elle avait besoin de ce travail...

Alors voilà où il en était : immobile face à elle, l'air impénétrable, sans savoir comment réagir. S'il laissait passer sans rien faire, ça allait ruiner son image. Alors lui dire qu'il était désolé, il n'y pensait même pas -même si c'était réellement le cas. Mais alors quoi ? Lui lancer un sort ? Exclu. Répondre à son coup ? Exclu aussi. Bon, il ne restait que la menace... Il n'avait vraiment pas envie de lui sortir les répliques atrocement banales et inutiles, mais il n'avait pas trop le choix... Bien qu'il fut certain que s'il lui sortait l'universel « ne t'avises plus jamais de refaire ça, sinon... » elle lui ferait une réponse bien acide, et donc que sa menace ne servirait absolument à rien. Non, mauvaise idée.
Mais pourquoi avait-il eu l'impulsion idiote de l'embrasser ?! Maintenant il se retrouvait dans une position délicate ! Si seulement ça avait été une de ces filles dont il se contrefichait, il l'aurait fait viré et il aurait oublié l'incident, mais là il ne pouvait pas... Quel imbécile vraiment ! Et puis elle aussi ! Pourquoi s'était-elle penchée comme ça ?! Elle savait pourtant qu'il était connu comme étant opportuniste et lubrique !

Et en plus c'était elle qui se mettait à le menacer ! Alors là c'était fini, il ne pouvait plus juste rester silencieux et la fixer d'un regard glacé ! Il était obligé de répondre, sinon sa réputation allait voler en éclats ! Et puis elle était stupide elle aussi ! Si elle avait été « une de ses poules » comme elle l'avait dit, il ne se serait certainement pas contenté d'un petit bisous tout gentil, c'était pourtant évident non ? En plus s'il ne l'avait pas bien aimé, il lui aurait déjà lancé un sortilège bien senti et ne l'aurait pas autorisé à ouvrir la bouche une fois de plus.

Bon... Il allait opter pour une solution de secours, en espérant que ça n'empirerait pas la situation... Il sortit nonchalamment sa baguette et commença à la faire tourner et retourner dans ses mains en regardant la blonde parfaitement calmement. Il pria rapidement pour que ça ne la ne la fasse pas s'énerver encore plus.

-Tu ne devrais pas me donner d'ordres, Coughlin. Tu n'aimes pas qu'on t'embrasse, et bien moi je n'aime pas qu'on me parle comme ça. Alors je t'approche pas plus et tu te calmes, d'accord ?

Il ne bougea pas d'un pouce quand elle explosa. Sauf que là, il n'était pas content. Il était venu se décontracter, et voilà qu'elle le mettait de mauvaise humeur ! Alors d'accord, il l'avait mérité, et il l'avait reconnu. Mais là, ça n'allait plus ! Il la fixa d'un air renfrogné. Qu'il se mette à la place des autres hein ? Comme s'il ne l'avait jamais fait ! Comme s'il ne pensait jamais au bonheur des gens qu'il aimait ! Alors oui, en effet, c'était une large minorité par rapport à la masse de personnes qu'il fréquentait, et il faisait tout pour le cacher, mais tout le monde avait des sentiments, c'était évident non ? Même ceux qui étaient froid comme lui en apparence ne pouvaient pas ne rien ressentir, après tout ils étaient humains ! « c'est pas une guerre » « ça devrait pas être calculé »... Oui bien sûr ! Et lui les seules fois où il avait été voir Beny sans rien prévoir, juste pour lui dire qu'il l'aimait, il l'avait une fois dans les bras de son petit ami, et l'autre avec un regard transi d'amour pour son crétin de serveur ! Et est ce qu'il s'était écouté et qu'il avait tué les petit amis du pâtissiers ?! Non, parce que ça lui arrivait aussi de penser aux autres ! Ça lui arrivait de vouloir que des gens soient heureux, alors oui, même si ça semblait incroyable, et même si c'était lui qui avait créé cette rumeur, qu'il aimait en temps normal, là.... ça lui pesait. Pourquoi... Il ne savait pas trop pourquoi à ce moment précis, alors que d'habitude il adorait qu'on croit qu'il était comme ça... Sûrement parce qu'il appréciait Hope... Alors quelque part il était froissé qu'elle le méprise pour quelque chose de faux.
Toujours les yeux rivés vers elle, il hésitait quand à sa réaction. Il n'avait pas aimé ses paroles. Mais elle n'avait pas aimé son geste. Il n'était pas content. Pas énervé, mais elle avait touché un point sensible, et il avait horreur que quelqu'un mette le doigt sur un de ses sujets sensibles. Mais qu’il partait maintenant, il ne pourrait plus revenir ici. Elle y veillerait, c'était sûr. Or... Il avait beau dire qu'il ne s'attachait à personne, il y avait quand même certaines connaissances à qui il tenait... Et qu'il considérait même comme des « amis ». Hope était un de ces cas là. En fait c'était les simple, les gens qu'il aimait assez pour venir lui-même à leur rencontre se tenaient pour l'instant sur les doigts d'une main. Il y avait Améthyste, Beny, sa mère et Hope. Et c'était tout. Et c'était peu. Alors le nombre, il s'en fichait. Mais par contre, il ne se fichait pas de les perdre. Bien sûr il avait toujours su que la blonde ne le portait pas dans son cœur -vu la façon dont il l'embêtait et puisqu'il n'avait jamais pris la peine de lui faire comprendre qu'il tenait à elle, c'était plutôt normal- mais elle ne l'avait jamais haï jusqu'à présent...

C'est alors qu'une possibilité pour améliorer la situation lui vint à l'esprit. En fait elle était là depuis le début, mais Ezéchiel n'avait pas pris la peine d'y faire attention. En réalité, il avait espéré de toutes ses forces ne pas avoir à en arriver à de telles extrémités. Mais là... Il était dans une impasse. Ce qui l'attendait ne lui plaisait pas du tout pourtant... Il sentait que c'était sa dernière chance. Dans sa vie, il avait eu recourt à cette solution tellement peu de fois que ces moments tenaient sur les doigts d'une main. C'était son ultime bouée de secours. Et il allait s'en servir là, au Ministère, là où sa réputation lui importait le plus. Il n'avait plus qu'à croiser les doigts pour que ça ne se sache pas... Mais au pire il nierait tout. Il faisait ça et après il redevenait l'insupportable Crowford qu'elle avait toujours connu. Allez... Après tout ce n'était pas si difficile. Il pouvait le faire.

-Ecoute... D'accord j'avais pas à faire ça, je me reconnais. Je suis désolé.

Et voilà, il s'était jeté à l'eau... Et le pire c'est qu'il était sincère. Mais maintenant qu'il avait reconnu ses torts, il y avait une chose qu'il voulait préciser :

-Et tu devrais te méfier des apparences tu sais.

Il ignorait pourquoi il lui confiait ça, alors que ça faisait des semaines qu'il s'échinait à lui faire croire qu'il était bien comme tout le monde pensait qu'il était... Peut-être parce qu'il avait envie qu'elle arrête de le mépriser. En tous cas, il ne fallait trop abuser, aussi décida-t-il que maintenant, il ne ferait plus d'écart avec elle.

Le silence dans la pièce était étouffant. D'accord il n'admettait pas souvent ses tords -voire vraiment pas souvent... Ou exceptionnellement...- et d'accord il s'excusait encore plus rarement -jamais en fait- mais quoi ?! C'était si perturbant que ça ?! … Ouais ok, pas la peine de se poser la question il connaissait déjà la réponse. Mais bon quand même... De là à le fixer comme ça avec des yeux de strangulot bouilli... Elle lui en voulait tant que ça ou elle était juste vraiment surprise ? Elle se demandait sûrement ce qui lui valait ces excuses... Sérieusement... Il venait régulièrement dans son bureau l'embêter, mais il ne l'insultait jamais -ce qu'il ne se privait pas de faire pour les gens qu'il n'aimait pas- il s'excusait même et elle ne comprenait toujours pas qu'il l'appréciait ? C'était si inconcevable ? Il soupira. Ah là là. D'un côté c'était flatteur. Ça voulait dire que la réputation qu'il s'était construite marchait bien. Trop bien. Il fut soulagé lorsqu'elle prit la parole mais faillit laisser échapper un second soupir en l'entendant. Il ne se retint que de justesse. Déjà qu'un, c'était limite, alors deux...

-Chérie, si j'avais voulu recommencer je me serais pas excusé, tu crois pas ?

Pourquoi fallait-il qu'il s'explique en plus ?! C'était stupide ! Il avait demandé pardon et en plus il lui rappelait... Merlin qu'il était bête parfois. Non en fait... C'était juste sa langue qui partait trop vite. Et pourtant il s'était entraîné à bien réfléchir avant de parler... Devant les gens qu'il aimait bien, il avait tendance à oublier cet entraînement.

Bon. Il en avait assez fait pour aujourd'hui... Il était peut-être temps de lever les voiles. Il espérait quand même qu'elle ne lui en tiendrait pas trop rigueur... Il se leva et s'étira nonchalamment -même si au fond il n'en menait pas si large. Il eut un petit rire à sa remarque. Comment ça il n'avait pas idée ? Oh que si... Et puisqu'elle en parlait c'est qu'elle aussi devait avoir des choses à cacher.

D'ailleurs c'était assez imprudent de sa part de soulever ça devant lui. Après tout, il pourrait très bien enquêter sur et utiliser ses informations comme moyen de pression... Mais en fait ça ne l'étonnait pas vraiment. Vu le caractère qu'elle avait, elle n'était pas du genre à se soumettre sagement au gouvernement mis en place. Alors forcément qu'elle devait avoir des choses à cacher... M'enfin à vrai dire il s'en fichait pas mal. Certes, c'était son travail d'aller vérifier que personne ne cache rien, mais il n'était pas spécialement curieux de nature et s'il se penchait trop sur son cas ça paraîtrait suspect. Et il serait bien embêté si en venait à l'arrêter. Il s'en voudrait même. En fait non, parce qu'avec son autorité même si elle était arrêté il pourrait la faire libérer. Sauf si ce qu'elle cachait était trop grave. Mais bref.

-Je vais faire comme si je n'avais rien entendu, chérie...

Il se dirigea vers la porte en n'ayant que trop conscience que son geste devait emplir la jeune fille de joie. Aussi prit-il tout son temps, juste pour le plaisir de faire durer son empressement à le voir partir. Une fois sur le pas de la porte, il se tourna vers elle :

-Oh et, chérie... N'espère pas que je ne viendrais plus, tu serais déçue. A plus !

Et il tourna les talons en fermant la porte derrière lui. Il comptait rentrer chez lui et se détendre tranquillement dans un bain moussant. Avec un petit verre de whisky-pur-feu tiens, ce serait parfait. Il avait besoin de se remettre de tout ça... Aujourd'hui il s'était fait giflé et insulté, pourtant il était de bonne humeur. Hum. Il devenait bizarre, vraiment...